Sabrina Bendjaballah          sabrina.bendjaballah@univie.at                                                      Université Paris VII

Xavier Barillot                      xavier.barillot@ign.fr                                                                                        15.03.2000

 

RÉSUMÉ

 

Le somali, exemple de langue concaténative à activité gabaritique

 

0. Introduction:

Le somali n'est pas au premier abord une langue gabaritique: on n'y trouve pas de manière évidente des exemples d'adéquation entre d'un côté le sens ou la catégorie grammaticale des mots, et de l'autre leur forme ou leur taille; en revanche, on y décèle une activité gabaritique dans certains processus morphologiques.

Par ailleurs, le somali est une langue concaténative: la dérivation se fait essentiellement par suffixes; or les langues dites gabaritiques sont majoritairement non concaténatives.

Cette communication se propose donc d'explorer la question suivante: l'existence ou non de gabarits (lexicaux ou morphologiques) dans une langue est-elle liée au fait que cette langue soit ou non concaténative ?

 

1. L'activité gabaritique du somali:

1.1 Le somali ne possède pas de gabarits lexicaux

      a) Définition du gabarit lexical:

Notons tout d'abord que les analyses qu'on trouvera dans cette communication reposent sur l'hypothèse CV (ie: la ligne squelettale est une suite ordonnée de positions C et V alternant invariablement [Lowenstamm, 1997] et [KLV, 1990]).

Par gabarit lexical, nous entendons un espace squelettal fixe, ie un nombre fixe de positions C et V et réservé à une certaine classe de mot (appartenant à une catégorie donnée, ayant un sens donné, ...).

Le cas typique est celui des schèmes de l'arabe classique: à partir d'une racine verbale trilitère, on construit par exemple des noms d'agent en remplissant le gabarit suivant:               a                        i

                                                                                                           /      \                     |

Ex:           ka:tib écrivain        < ktb écrire                                      /            \                  |

                ka:tim cachotier      < ktm cacher                          C      V    C      V    C      V    C      V

                                                                                               |                              |              |

 

      b) Pas d'homogénéité parmi les gabarits des mots somalis:

En somali, les noms comme les verbes ont des gabarits très divers. Voici un échantillon des possibilités observables:

CVC                   hal   chamelle                              dig   annoncer         faq   parler en secret

CVVC                geel   chameau                            šeeg   dire               dood   discuter

CVCVC             nirig   chamelon                          hadal   parler          hugan   murmurer

CVCVVC          dameer   âne                                tiraab   parler         bulaan, hadaaq   parler bébé

CVVCVC          aaran   jeunes chameaux              naaqiš   discuter

CVVCVVC                                                            haasaaw   parler     guudaan, nuunaas   murmurer

 

Les exemples ci-dessus montrent qu'il s'avère très difficile sinon illusoire de trouver un sens commun (ou une autre caractéristique commune) aux mots d'une taille donnée ou pire partageant un schème donné.

 

1.2 Le somali possède des gabarits morphologiques

      a) Définition du gabarit morphologique:

Par gabarit morphologique, nous entendons un nombre de positions squelettales fixe imposé au résultat d'un certain type de dérivation (noms verbaux, schèmes rédupliqués, ...).

      b) Exemple de gabarits morphologiques en somali:

- Suffixe dérivationnel -VC vs -VVC:

Les suffixes de nom verbal -id et -is apparaissent avec des bases verbales quelconques (CVC, CVVC, CVCVC, ...) tandis que le suffixe -aal de gabarit plus long ne s'attache qu'aux bases CVC:

CVC                    turaal       turid                        clémence                 <   tur        être clément

                            qoraal      qorid       qoris        écrit, écriture          <   qor       écrire

                            šubaal      šubid                       fait de verser          <   šub       verser

                            hubaal     hubid                      certitude                  <   hub      être certain

                            diraal       dirid        diris         envoi                       <   dir        envoyer

CVVC                      -         baarid      baaris      inspection               <   baar      inspecter

                                 -         fuulid      fuulis       chevauchée             <   fuul      chevaucher

CVCVC                    -         gudbid                     traversée                <   gudub   traverser

 

On a donc:           Radical                   suffixe -VC              suffixe -VVC

                            CVC                             oui                          oui

                            CVVC                           oui                          non

                            CVCVC                        oui                          non

- Formation de certains adjectifs:

A partir d'une base nominale CVCi, on contruit un adjectif par réduplication partielle, ce qui donne CVCiVCi, comme par exemple:  kul chaleur  =>   kulul chaud.

Cette stratégie ne concerne que les radicaux CVC et pas CVVC, ni CVCVC.

Le fait que les bases CVC et CVVC soient traitées de façon différente dans la formation des noms verbaux en -aal comme dans celle des adjectifs du type kulul, montre de façon claire que ce qui compte n'est pas le nombre de consonnes radicales (2 pour CVC et CVVC contre 3 pour CVCVC) mais bien la taille du gabarit (définie dans notre cadre théorique CV comme le nombre de CV utilisés dans le squelette, qui est donc de 2 pour CVC contre 3 pour CVVC et CVCVC).

- Réduplication totale:

Nous observons la présence de 2 types principaux de schèmes rédupliqués en somali, la base X est répétée deux fois soit sans ajout de matériel segmental, soit avec ajout de matériel segmental entre les deux X; on a respectivement:

X + X                  Ex: degdeg, boodbood, boolaboolo, tarabtarab, gabbigabbi, goosangoosan, ...

X + segm. + X    Ex: degaandeg, gubungub, garaggaro, qirinqiir, ...

En fait, on peut classer ces exemples selon un autre critère, celui du segment final de la base rédupliquée, vocalique ou consonantique: si la base se termine par une voyelle, on aura parfois redoublement parfois non de la consonne initiale du deuxième X (garaggaro vs boolaboolo); dans le cas où le segment final de la base est une consonne, on aura soit rien, soit un morphème -(V)Vn- entre les deux X (degdeg vs degaandeg).

Dans un cas comme dans l'autre (base terminée par une consonne ou une voyelle), l'opposition entre les deux classes se résume à la présence ou à l'absence de matériel segmental entre les deux X.

On résume la situation ci-dessous (la deuxième colonne, X-all+Vn+X, ne concerne que les bases à 2 voyelles et contient les schèmes du type qirinqiir dans lesquels le premier X a été "allégé" en CVC):

radical                 X+X          X-all+Vn+X          X+(V)n+X              X+aan+X

X = CVC(V)       oui                      -                      oui                          oui

X = CVVC(V)     oui                    oui                    non                         non

X = CVCVC       oui                   (oui)                   non                         non

 

On constate donc dans le tableau ci-dessous un résultat analogue à celui donné par la formation des noms verbaux en -aal et des adjectifs type kulul: plus le morphème de séparation des deux X est long, plus la taille des X autorisé est petite et ceci a comme conséquence que la taille du schème rédupliqué ne dépasse pas une certaine valeur, ce qui constitue une contrainte gabaritique.

Dans chacun de ces trois cas (noms verbaux - adjectifs - réduplication), la contrainte gabaritique a comme conséquence que le mot dérivé (c'est-à-dire le groupe radical+suffixe ou radical+extension) a une taille sinon constante, du moins maximale: ainsi, s'il y a plusieurs choix de suffixes, les radicaux longs ne seront associés qu'aux suffixes courts ou bien on aura des processus de compensation au niveau même du radical comme pour la réduplication (type qirinqiir < *qiirinqiir); dans le cas contraire où on n'a qu'un choix (adjectifs), le processus morphologique ne s'appliquera que sur les radicaux courts. Nous constatons que l'hypothèse forte (gabarit constant) ne marche pas toujours, mais qu'on a au moins l'hypothèse faible (gabarit maximum).

 

1.3 Autres indices de la gabaricité du somali

- Le lexique somali comprend de nombreaux schèmes de réduplication totale ou partielle comme CVCiVCi, CVCCiVCi, CiVCkCiVCk, ... avec en particulier absence des bases correspondantes CVCi, CVCCi, CiVCk, ... ([APS, 1985] et [ZOL, 1991]):

Le somali comprend de nombreux schèmes du type carar, fooror, baraar, goobaab, qombob, jararac, cawaweer, digiigix, ... dans lesquels on a manifestement réduplication partielle. Or, la plupart du temps, on ne trouve pas la base attendue dans la langue:  carar  <  *car, fooror  <  *foor, digiigix  <  *digix, ... alors pourquoi choisir carar plutôt que car, digiigix plutôt que digix sinon pour des contraintes gabaritiques ?

Inversement, les langues traditionnellement qualifiée de gabaritiques regorgent de tels schèmes rédupliqués (verbes sourds en arabe).

- Principe du Contour Obligatoire:

Le lexique du somali suit les contraintes du PCO interdisant l'adjacence sur la ligne squelettale de deux segments consonantiques partageant un même trait. Le PCO est généralement corrélé avec la séparation des consonnes et des voyelles [McCarthy, 1986], donc un rôle séparé des consonnes et des voyelles, d'où l'idée de racine et de schème donc de gabarit lexical.

 

2. Gabariticité et concaténativité:

2.1 Un petit point sur les gabarits

Deux sens principaux existent dans le monde des morphophonologues:

1- Ensemble de positions squelettales non spécifiées (du moins, pas en totalité) correspondant à une opération (morphologique) donnée (Ces positions sont généralement remplies par réduplication du matériel disponible).

Ex: pluriel par réduplication d'un CV (samoan) [Broselow & McCarthy, 1983]:

         nofo => nonofo être assis      moe => momoe dormir          savali => savavali marcher

2- Schème fixé d'avance correspondant à une classe de mots ayant un sens donné (schème de l'arabe).

Ex: pluriel brisé en CuCu:C (arabe classique):

         dars => duru:s, šarr => šuru:r, malik => mulu:k, ...

Nous y ajoutons le suivant:

3- Espace squelettal donné prévu pour une certaine opération morphologique.

Ex: Racine verbale en CCC (arabe classique):   fr => frr fuir, qd => qdd couper, kz => kzz contracter, ...

Notons que la première acception se situe au niveau local par rapport au mot tandis que les deux autres se situent au niveau global; autrement dit, seules les deux dernières contraignent la taille du mot entier, la première ne contraignant que la taille de l'affixe. C'est pourquoi nous ne nous intéressons ici qu'aux deux dernières définitions proposées ci-dessus que nous nommons respectivement gabarit lexical et gabarit morphologique.

 

2.2 Le somali est une langue concaténative

Le somali est une langue essentiellement suffixale (flexion et dérivation) sans modification interne au radical (pas d'activité apophonique).

 

2.3 Les langues +/- gabaritiques et +/- concaténatives

Bien qu'on s'accorde habituellement à dire que les langues gabaritiques sont non concaténatives et que les langues concaténatives sont non gabaritiques, nous proposons de considérer les quatre possibilités:

1.  +gabaritique / +concaténative           => gabarit morphologique: somali

2.  +gabaritique /  -concaténative           => gabarits lexical et morphologique: arabe

3.  -gabaritique  / +concaténative           => noms déverbaux en français

4.  -gabaritique  /  -concaténative           => verbes forts en anglais ?

Ainsi, une langue non concaténative possédera à la fois des gabarits lexicaux et morphologiques tandis qu'une langue concaténative comme le somali ne possédera que des gabarits morphologiques et pas de gabarits lexicaux.

 

3. Conclusion:

Cette discussion, en plus de son objectif descriptif et typologique, a un intérêt évident dans le cadre de l'étude linguistique du somali. Cela donne des arguments pour qualifier cette langue de gabaritique, même si le niveau de gabaricité n'est pas comparable avec celui de l'arabe par exemple. Ainsi, cela permet de justifier des choix théoriques et d'orienter nos recherches sur des axes ayant déjà été éprouvés avec le sémitique par exemple. Ainsi, on n'est nullement surpris de trouver de multiples schèmes rédupliqués en somali, ni de constater que le matériel segmental est régi entre autres par le Principe du Contour Obligatoire, ni encore de remarquer la présence de nombreuses métathèses entre segments non contigus.

 

Bibliographie:

[APS] = AGOSTINI, Francesco,  Annarita PUGLIELLI & Ciise Moxamed SIYAAD & alii  (1985), Dizionario Somalo-Italiano - Cooperazione Italiana allo Sviluppo, Roma (G. Gangemi Editore).

BROSELOW, E. & J. MCCARTHY (1983), A theory of internal reduplication, The Linguistic Review, 3, 25-88.

[KLV] = KAYE, Jonathan, Jean LOWENSTAMM & Jean-Roger VERGNAUD  (1990) Constituent Structure and Government in Phonology, Phonology Yearbook 7, 193-231.

LOWENSTAMM, Jean (1997), "CV as the only syllabe type" in Current Trends in Phonology (Jacques Durand  & Bernard Laks eds) - Sanford.

McCARTHY, John J. (1986), OCP Effects: Gemination and Antigemination, Linguistic Inquiry, Volume 17, n°2 : 207-263 - Amherst, Massachusetts (The Massachusetts Institute of Technology).

[ZOL] = ZORC, R. David, Madina M. OSMAN & Virginia LULING (1991) [2ème Edition Révisée et mise à jour], Somali - English Dictionary  - Kensington, Maryland (Dunwoody Press).

 


Templatic morphology in the Portuguese verb

 

Joaquim Brandão de Carvalho

Université de Paris V

CNRS ESA 7018

 

Abstract

 

It is argued here that the unmarked forms of the Portuguese verb can be accounted for by assuming a templatic constraint on inflectional morphology. The argument is built on root mid vowel umlaut, and independently supported by stress placement and suffixal morphology.

 

Neither rules nor morphological specifications are required in the present approach, which is shown to be preferable to previous rule-based accounts of the facts in terms of empirical adequacy, formal simplicity and naturalness, and explanatory power. Thus, this paper is intended to provide theoretical and empirical evidence for replacing opaque and idiosyncratic ‘lexical’ rules with structural/phonological and universal explanations. Specifically, Portuguese umlaut implies association of three vocalic melodies with a dissyllabic template, and the templatic basis of lexical umlaut is assumed to be universal.

 

A second point at issue here is that a basic part of Portuguese verbal morphology can be naturally accounted for thanks to a rather unusual concept in Romance linguistics, which is however familiar to Semitists. Comparatively to languages such as Arabic or Hebrew, it is clear that the role of the verbal template in Portuguese morphology is rather modest for at least two reasons. Firstly, EP verb system remains concatenative insofar as there are here no consonant-based roots opposed to vowel-based morphemes. Thus, a ‘templatic’ language is not necessarily ‘non-concatenative’. Secondly, while Semitic binyanim form rich paradigms, there is only one template in EP verb system. This is, however, also at the source of its relative importance : if there is only one template in EP, then it shows the unmarked CVCV-pattern dictated by stress placement rules ; hence, this unique binyan affects the unmarked and most frequent forms of the verb.

 


Consonnes flottantes, considérations diachroniques et filtre morphonologique en français.

 

Olivier Rizzolo

Université de Nice-Sophia Antipolis

 

 

Cette communication a pour but de montrer a) l’existence d’une catégorie de consonnes flottantes jusque là méconnue en français et plus précisément de faire asseoir la possibilité d’un comportement triple dans la réalisation des consonnes dites flottantes en ce qui concerne les classes « adjectif » et « nom propre », b) comment il est possible en synchronie de retrouver le raccourci des différents évènements diachroniques en ce qui concerne le sort des consonnes flottantes du français et enfin c) comment le tamis morphonologique permet l’ajout d’un critère (différent de syntaxique ou métalinguistique) pour l’identification d’une catégorie lexicale.

 

a) Un triple comportement :

 

1. Les processus qui permettent d’observer la réalisation de consonnes latentes en français :

 

A) la liaison :        a) OBLIGATOIRE entre l’article et le nom : « les » + « amis » > [ lezami]

b) FACULTATIVE, relativement marquée mais pas impossible entre un adjectif et une préposition : « mauvais » + « en math » > [movezãmat]

 

B) le féminin :       « petit » + « morphème du féminin » > [p«tit]

               

C) la dérivation : qui concerne ici plus particulièrement les noms propres              « Ricard » + « -ien » > [{ika{djE)]

 

                2. seuls les processus A) b), B) et C) seront considérés car pertinents pour l’analyse. Ils seront testés tour à tour sur les noms propres et les adjectifs.

 

                3. Mon hypothèse : la classe « adj » et la classe « nom propre » se comportent différemment en regard des processus morphologiques et syntaxiques sus mentionnés. Il existe de plus une division au sein de la classe « adj ».

 

                4. Illustration :

 

                A) b) Il est très mauvais-z-en mathématiques.

                *Il est très Ricard-d-à l’apéritif.

                *Il est très bavard-d-en classe.

 

                B) Elle est très mauvaise [movEz] en mathématiques.

                *Elle est très Ricarde [{ika{d]à l’apéritif.

                Elle est très bavarde en classe.

 

                C) « mauvais » + « morphème adverbial » => « mauvaisement » [movEzma)]

                « Ricard » + « -ien » => « ricardien » [rika{djE)]

                « bavard » + « -age » => « bavardage » [bava{daZ]

 

                > réalisations possibles de consonnes flottantes :

 

 

+ préposition

féminin

dérivation

Adj. « mauvais »

+

+

+

Adj. « bavard »

-

+

+

Nom propre « Ricard »

-

-

+

 

Il est bon de remarquer que la classe « Ricard » contient une quarantaine de représentants en français moderne tels que : Gainsbourg > gainsbourgien [Z], Godard > godardien [d] ou encore Schubert > schubertien [t]. Il convient de remarquer aussi que cette liste ne cesse de s’enrichir quotidiennement.

 

b) Les différences de comportement que l’on observe actuellement en synchronie marquent en fait les différents stades d’évolution depuis l’ancien français où toutes les consonnes finales étaient prononcées (GUIRAUD 1963). Voici la représentation de « petit » [p«tit] en ancien français.

 


C             V             C             V             C             V

                                                                     

p             «              t              i              t              O

 


[t] n’est pas flottant. Etant rattaché à une position consonantique il est tout le temps audible.

 

Voici maintenant la représentation des trois comportements diachroniques :

 

 


C             V             C             V             C             V             C1           V1

                                                                                                   

{             i              k             a              {             O             d             O

 

 

 

 


[d] est encore dans son domaine phonologique fermé par V1. La seule possibilité qui lui est offerte est de s’attacher à C1. C’est pourquoi [d] ne pourra ni rentrer dans l’attaque vide d’un mot à initiale vocalique (liaison), ni être réalisé au féminin en s’insérant dans le morphème du féminin de forme :  Cf          Vf  (Pagliano 1999).

                                                            

 

 


C             V             C             V             C             V            

                                                                                                   

b             a              v             a              {             O             d

[d] est dans son domaine phonologique, il ne possède pas son propre CV et peut donc être attaché au morphème du féminin. Il ne peut cependant pas sortir de son domaine et rentrer dans l’attaque vide d’un mot à initiale vocalique.

 

 

 


C             V             C             V

                                         

m            o             v             e              z

 

 


[z] n’est pas dans son domaine phonologique. Ne pouvant être attaché à une position consonantique dans le domaine phonologique de « mauvais », il est libre de s’attacher le cas échéant à une position consonantique libre ( liaison, dérivation, féminin).

 

«  mauvais », « bavard » et « ricard » représentent 3 stades d’évolution du sort des consonnes finales du français :

 

ð      stade 0 : a.fr « petit » [p«tit]

stade 1 : « ricard »

stade 2 : « bavard »

stade 3 : « mauvais »

 

c) L’identification d’une catégorie lexicale qui se base généralement sur des critères d’ordre syntaxique ou métalinguistique se voit dotée d’un filtre supplémentaire, d’ordre morphonologique :

 

ð      un adjectif verra sa consonne latente se réaliser dans au moins deux contextes : dérivation et féminin

ð      un nom verra sa consonne latente se réaliser dans deux contextes au maximum : dérivation et féminin

ð      un nom propre verra sa consonne flottante se réaliser dans un unique contexte : dérivation

 

Pour conclure :

Un trait catégoriel (syntaxique) « nom propre », « adjectif » ici est marqué phonologiquement en tant que tel. L’observation parallèle d’adjectifs dénominaux et épicènes du type « marron » ou « grenat » qui par définition n’ont pas de marque au féminin semble corréler ce fait. En effet, tout porte à croire que le trait [ + NOM] limite la réalisation de consonnes flottantes. Un trait catégoriel peut être identifié par une propriété phonologique : ici la réalisation possible et/ou impossible de consonnes flottantes.                

 

 

Références :

 

GUIRAUD, Pierre, 1963. L’ancien français, QSJ n° 1056, Paris : Presses Universitaires de France.

PAGLIANO, Claudine, 1999. Formation des adverbes en –ment en français, Mémoire de DEA, Université de Nice Sophia-Antipolis.

 


Instanciation phonologique de # : les adverbes en –ment en français.

 

Claudine Pagliano

Université de Nice-Sophia Antipolis

 

Cette communication se propose de montrer qu'un objet morphologique peut être traduit par un objet phonologique. Lowenstamm (1999) a proposé cette propriété dans  le cas de l'initiale d'un mot, un CV prenant la place du # ; je vais quant à moi la mettre en évidence lors de la concaténation, entre une racine et son suffixe, à partir de l'analyse des adverbes en –ment du français.

Sur mon corpus de 2746 adverbes, 2727 sont issus d'adjectifs qualificatifs ou de participes, 7 ou 8 de substantifs (selon l'origine que l'on attribue à "nuitamment"), 3 ou 4 d'adverbes, 5 de déterminants et 3 d'interjections. 194 adverbes sont formés sur des bases à finale vocalique, 2555 sur des bases à finale consonantique. Au-delà des quatre allomorphes de formation de l'adverbe observables en surface - [mã] comme pour "joliment", qui concerne 106 adverbes ; [amã] pour "obligeamment", 94 adverbes ; [(«)mã] pour "agréablement" et "lucidement", 2522 adverbes ; [emã] pour "commodément", 24 adverbes - un seul allomorphe est présent dans cette dérivation au niveau sous-jacent, qui subit des ajustements en fonction de la structure phonologique du radical.

L'hypothèse généralement formulée de formation des adverbes en –ment en français consiste à partir du féminin de l'adjectif ; à ce radical est concaténé le morphème dérivationnel suffixal /mã/, que l'on peut représenter de la manière suivante :

(1)               CA          VA                                                        

½         ½

m         a          N                               

J'adhère dans cette analyse à l'hypothèse de la non-lexicalité des voyelles nasales, suivant ainsi Sauzet (1998) et Prunet (1986) notamment.

L'hypothèse de la formation de l'adverbe par le féminin est due au fait qu'il permet aux consonnes flottantes dans des mots comme "grassement"… de se réaliser, et que celles-ci sont présentes dans l'adverbe. Or en représentation autosegmentale, il suffit d'avoir une attaque vide pour qu'elle apparaisse en surface. Cette attaque vide peut être celle apportée par le féminin, mais elle peut aussi en être indépendante. On peut donc penser que la formation via le féminin n'est pas la seule option envisageable. En l'espèce, le CV qui accueille la consonne flottante peut avoir une identité autre que féminine, auquel cas –ment est suffixé non pas à la forme féminine de l'adjectif, mais directement au radical .

C1        V1        C2        V2                    CA       VA       CB          VB

½         ½         ½         ½                                             ½         ½

g                     R          a          s                                  m         a          N

Ceci nous oblige à supposer un autre allomorphe qui se concaténerait non plus au féminin mais directement au morphème adjectival, et qui se présenterait sous la forme

(2)               C         V         C         V

                                   ½         ½

                                   m         a          N

 

Ce sont les adverbes formés à partir de deux consonnes flottantes qui vont nous permettre de décider entre les deux hypothèses de formation. Si l'on adopte le principe de la non-lexicalité des voyelles nasales en français, les adverbes formés à partir d'adjectifs en [ã] du type "méchant", "prudent", comportent bien deux consonnes flottantes : la nasale, et le /t/ ou /d/ indiqué par le féminin de l'adjectif. La formation de l'adverbe à partir du féminin prédit dans ce cas des formes du type *[meSãtmã], *[prydãtmã], qui ne correspondent pas à la réalité de la majorité des adverbes formés à partir d'adjectifs en [ã], qui se terminent en [amã] – du type "méchamment", "prudemment".

            Par contre, le morphème envisagé en (2) permet de rendre compte de la formation de ces adverbes en [amã], puisqu'il ne prévoit en rien la réalisation du /t/. C'est au contraire l eN, premièer consonne flottante, qui s'associe.

            C1        V1        C2        V2                    CA       VA       CB          VB

½         ½         ½         ½                                             ½         ½

m         e          S          a          N         t                      m         a          N

                Pour ce qui est des six adverbes qui montrent la présence de la consonne flottante – présentement, grandement, lentement, véhémentement, compétentement, pédantement – il suffit de paramétrer l'association : c'est non pas le /N/, mais le /t/ qui "gagne", qui a une réalisation phonétique.

Lorsque c'est la nasale qui occupe la position consonantique, le /N/ et le /m/ se combient pour faire une géminée phonologique, qui se réalise en surface comme une consonne simple. Ce comportement "virtuel" des géminées a été observé dans d'autres langues, cf. Ségéral (1999) et Scheer (1998) ; en français, on assiste précisément à la réalisation le plus souvent simple d'une géminée, mais pouvant également être exécutée en tant que telle, dont l'identité est garantie par la morphologie – un /m/ provient du suffixe, un de la racine – pour des mots comme /im + mobile/ ou /im + mangeable/.

 

Cette hypothèse dégage plusieurs bénéfices :

1.      Explication de la voyelle non-nasale de l'adverbe, alors qu'elle est nasalisée dans l'adjectif corespondant. La voyelle n'est pas nasale parce que le /N/ se rattache à une position consonantique et n'est donc plus disponible. Ceci n'est pas apparent dans la formation à partir du féminin.

2.      Explication de la "disparition" du /t/ en surface. Le /t/ n'a pas de point d'attache, et donc pas de réalisation phonétique, ce qui correspond exactement à ce qu'on trouve en surface, mais que ne donne pas une concaténation à partir du féminin de l'adjectif.

3.      Les six "exceptions" à la formation en [amã] – lentement, grandement, pédantement, présentement, véhémentement, compétentement – s'expliquent par une simple variation du paramètre : c'est la deuxième consonne flottante, et non la première, qui s'attache à la position consonantique vide ; la voyelle est alors nasale, comme prédit.

 

 L'analyse a par ailleurs pour conséquence de renforcer l'hypothèse de la non-lexicalité des voyelles nasales en français. Elle affaiblit de plus l'hypothèse dérivationaliste qui veut qu'une forme complexe – ici, l'adverbe – soit nécessairement dérivée d'une forme plus simple – le féminin de l'adjectif dans le cas présent. L'adverbe est formé directement sur l'adjectif, sans passer par le féminin. Il n'a par ailleurs pas d'entrée lexicale propre en français, puisqu'on le dérive à partir des radicaux et du morphème adverbial.

Enfin, le CV qui reçoit la consonne flottante non seulement n'appartient pas à la racine, mais il coïncide en plus linéairement avec la place du #. Rien n'oblige à considérer qu'il appartient au suffixe. Je propose donc qu'il soit une "traduction" phonologique de la frontière morphologique #. C'est la première fois qu'il est envisagé qu'une frontière non initiale soit matérialisée sous la forme d'un CV.

 

LOWENSTAMM, Jean, 1999. "The beginnning of the word", Syllables!?, eds. Rennison & Kühnhammer, Holland Academic Graphics.

SAUZET, Patrick, 1998. "Enamourer, enivrer, enorgueillir : le statut des préfixes", Langues et Grammaire II & III : phonologie, Ed : Sauzet, Patrick, Paris : Université Paris 8.

PRUNET, Jean-François, 1992. Spreading and locality domain in phonology, Outstanding Dissertations in Linguistics, New-York, Garland publishing, pp. xvi, 218.

SEGERAL, Philippe, 1999. Géminées virtuelles. Communication présentée au colloque  CONSCILA, 29 janvier 1999.

SCHEER, Tobias, 1998. Syllable structure in government phonology, Debrecen : 5th Central European Summer School.

 

 

 


Morphologies  gabaritiques  et morphologies  non-gabaritiques

 

Jean Lowenstamm

Université Paris 7

 

                Depuis la réanalyse autosegmentale d'une notion classique en

linguistique sémitique, celle de binyan, proposée dans le travail de

pionnier de McCarthy  la fin des annes 70, une image typologique

inconfortable plane sur la nature des systmes morphologiques :

                D'une part, certaines langues - essentiellement les langues

sémitiques - semblent manifester une option gabaritique forte. D'autres

langues, par exemple les langues berbères, les langues couchitiques, si

elles attestent une activité gabaritique certaine, en donnent une version

moins radicale. Enfin, d'autres langues, par exemple les langues

indo-européennes, semblent se détourner résolument du modèle gabaritique.

                Le problme posé avec plus ou moins de clarté conceptuelle, est de

savoir si la variation typologique esquissée ci-dessus reflète un spectre

d'options véritablement ouvertes par la théorie de la formation des mots, ou

s'il s'agit, au contraire, d'une donne brute qu'il incombe à cette dernière

d'unifier.

 

Le projet de communication présenté ici s'organise autour du

 second de ces deux axes de recherche.

 

                Dans un premier temps, un bilan critique sera effectué de la notion

- essentiellement phonologique - de binyan telle qu'elle semble être

acceptée, comprise et utilisée aujourd'hui, sur la base du travail de

McCarthy.

 

                Dans un second temps, un enrichissement motivé de la notion de

gabarit, reposant sur l'identification de sites remarquables (le site

initial , la  tête ), en sera proposé sur la base de travaux par Guerssel &

Lowenstamm. Il sera suggéré que le binyan n'est autre que l'espace dans

lequel s'organise le rapport entre ces sites remarquables et leurs

dépendants.

 

                Enfin, il sera montré que cette notion enrichie permet

1) d'incorporer la discussion de systèmes réputés non-gabaritiques; les

exemples seront principalement empruntés à trois versions d'opacité

croissante du germanique: l'allemand  géminant, l'allemand  non-géminant,

le yiddish, accompagnés de deux rapides excursus, l'un altaïque (turc),

l'autre roman (italien); 2) de dériver l'image typologique mentionnée dans

le premier paragraphe.


Derivations and Representations: on the stem in Bemba.

Nancy Chongo Kula, HIL Leiden

 

This paper addresses the interaction of phonology and morphology resulting from suffixation processes in a Bantu language, Bemba. The aim is to show that morphology is regulated by the phonological conditions at paly in Bemba. The analysis is developed within a Government Phonology theoretic framework (Kaye, Lowenstamm & Vergnaud 1990, Harris 1994).

Bemba, as other Bantu languages highly utilises affixation to derive new words or convey some verbal aspect. This paper will concentrate on the perfective and causative suffixes whose different peculiarities I will derive following a consistent principle with regard to the phonological shape of the suffix. Apart from regular suffixation to the end of the stem, the two suffixes also involve irregular suffixation that will be my concern in this paper. The perfective suffix can be infixed to a position preceding the stem final consonant in stems that are longer than CVC, thus resulting in some change to the shape of the stem. I will refer to this process as imbrication following Bastin (1983). The causative suffix on the other hand, manifests itself by spirantistion of the stem final consonant in a specified set of stems. Consider the data in (1).

 

(1)  the perfective

                stem                                                                                                     perfective

      a.      isala-a                    ‘close’                                                   iseel-e                                    *isal-il-e                ‘had closed’

      b.      sakat-a                   ‘seize’                                                   sakeet-e                 *sakat-il-e                             ‘had seized’

      c.      anguk-a ‘be easy’                                              angwiik-e                              *anguk-il-e           ‘been easy’

 

      the causative

                stem                                                                                                     causative

      d.      lub-a                      ‘be lost’                                lufy-a                                     *lub-ish-a                             ‘cause to be lost’

      e.      ak-a                        ‘light’                                                    ash-a                                     *ak-ish-a                               ‘cause to be lit’

      f.       end-a                     ‘walk’                                                    ensh-a                                   *end-ish-a                            ‘cause to move’

 

I base my analysis on the phonological condition in Bemba that requires all domains to be consonant final so that the strict CV shape of the language is retained, once the non-interactive final vowel (FV) is added. I therefore propose that the causative for (1d-f) consists a floating -i- that forms a single phonological domain with the stem and attaches to the stem final consonant in compliance with creating a consonant final domain. This process results in spirantisation of the stem final consonant by addition of an (I) element from the floating suffix. In the same vein the perfective suffix in (1a-c) consists of an -i- with a floating -l- (-i-(l)), that also forms one phonological domain with the stem. Since the suffixal -i- in this characterisation has a skeletal point, preference is given to infixation to the position preceding the stem final position as the most economical way of retaining a consonant final domain. The floating -l- remains uninterpreted as long as it is not incorporated into constituent structure.

      Following the phonological processes illustrated here, a minimality condition that preserves the shape (and not necessarily the segmental content following (1d-f)) of the initial CVC of a stem can be evoked. The V of the CVC is however kept constant in each stem which may shed light on why Bantu vowel height harmony is never from right to left. Motivation for the retention of the initial CVC in Bemba can also be drawn from the fact that almost all stems that are longer than CVC can be analysed as containing historically frozen or dead suffixes or involving some form of reduplication that is centered around a CVC base.

      At least two theoretical claims also follow from this anlaysis. First, segments that are represented in constituent structure, that is melody coupled with timing, have a preference to retain their structure and hence crucially do not opt for delinking. Second, contra (Kaye 1995), phonological domains that are inputs to morphological processes do not have to end in nuclei.

 

References

 

Bastin, Y., 1983, La finale verbale -ide et l‘imbrication en Bantou. Musee Royal de L’ Afrique Centrale, Belgium, Tervuren.

Harris, J., 1994, English Sound Structure. Blackwell, Oxford.

Hyman, L., 1995, ‘Minimality and Prosodic Morphology of Cibemba imbrication’. Journal of African Languages and Linguistics 16, 3-39.

Kaye, J., 1995, ‘Derivations and interfaces’. In Durand.J. and F. Katamba (eds.), Frontiers of phonology,Longmans, London, 305-328.

Kaye, J., J. Lowenstamm & J-R. Vergnaud, 1990, ‘Constituent structure  and government in phonology’. Phonology 7.2, 193-231.

Mould, M., 1972, ‘On reconstructing the modified base of Bantu verbs’. Studies in African Linguistics 3, 107-125.

 

 


De la composition nominale en coréen

 

Mi-Youg Kang

Université Paris 7

 

Je traiterai des noms composés du coréen, en acceptant la vision d'une syllabe en stricte consécution de [cvcv], et en posant les hypothèses:

‑ qu'un gabarit fixe caractérise le lexème coréen qui est [C1 V1 C2 V2]

‑ qu'un site initial précède un mot coréen.

La différence entre un lexème et un mot consiste en la présence d'un site initial dans un mot.

Le site initial d'un mot coréen doit toujours être légitimé et il peut être légitimé des deux façons suivantes:

‑ au moyen du gouvernement propre par le noyau initial plein.

‑ par la propagation de la consonne initiale.

L'effet du premier type de légitimation du site initial se démontre à travers le « voisement » qui se bloque si la voyelle à laquelle l'élément L appartient doit légitimer le site initial. On obtient alors une obstruante « sourde » au début du mot. Quant à la légitimation du site initial par la propagation de la consonne initiale, elle engendre une « tenduei » initiale ou une « aspiréei » initiale. J'en déduis que si un mot commence par une « tendue » ou une « aspirée » l'attaque du site initial de ce mot est déjà identifiée.

Ces hypothèses de base me servira pour démontrer l'existence de structures gabaritiques en coréen qui est connu comme une langue à morphologie concaténative. J'effectue précisément l'analyse des noms composés, et en particulier le « phénomène sai-sios ». C'est l'apparition d'une forme géminée ou d'une version « tendue » de la consonne initiale du deuxième nom, alors qu'une loi très générale du coréen nous conduirait à attendre une réalisation voisée. Je tente, donc, de répondre aux questions suivantes:

‑ Pourquoi obtient‑on précisément une version « tendue » ou une « géminée » quand il y a un « phénomène sai-sios »?

‑ Pourquoi le « phénomène sai‑sios » n'a lieu que pour les noms composés dont le premier nom se termine par une voyelle ou une sonante et le deuxième nom commence par une consonne simple?

‑ Pourquoi le « phénomène sai‑sios » ne se produit pas systématiquement?

Les noms composés impliquent en fait des morphologies analytiques de deux types [[A][B]] et [[A]B]. Les différences entre ces deux structures sont visibles en phonologie: une classe sans « phénomène sai‑sios » correspond à celle qui implique la morphologie analytique [[A][B]] et une classe à « phénomène sai‑sios » correspond à celle qui implique la morphologie analytique [[A]B]. Je pose l'hypothèse que le site initial qui est présent dans chacun des noms s'efface lorsqu'il n'est pas identifié dans un domaine interne. Dans une structure [[A]B] à un domaine interne le site initial du deuxième nom ne forme pas un domaine interne. Il se trouve au milieu d'un domaine phonologique, lorsque l'on relie les deux noms. Il doit être, alors, identifié. Cette identification s'effectue par la propagation du segment initial du deuxième nom.

 

 

Cyclicity and Templatic Morphology in the Basaa Verb Stem

Larry M. Hyman

University of California, Berkeley

 

Many Northwestern Bantu languages have innovated prosodic templates which condition the realization of (suffixal) verb stem morphology. For example, Tiene restricts verb stems to a maximally trisyllabic form CVCVCV, where the second consonant must be coronal and the third consonant non-coronal. One result of this restriction on place of articulation is that a coronal suffix such as causative -s- and applicative -l- must be “infixed” when the base ends in a labial or velar consonant, e.g. láb-a ‘walk’ --> lásab-a ‘cause to walk’; bák-a ‘reach’ Æ bálak-a ‘reach for’. While Ellington (1971) treats such as cases as metathesis (starting with underlying representations such as /láb-Vs-a/ and /bák-Vl-a/, Hyman & Inkelas (1997) provide an optimality-theoretic analysis by which templatic restrictions—and their morphological consequences—derive from the crucial ranking of constraints.

 

In this paper I address analogous, more complex facts found in the templatic morphology of the verb stem in Basaa, a Bantu language spoken in Cameroon. I have two goals. First, I shall show that although templatic (and largely concatenative), the output realizations show sensitivity to the internal hierarchical, i.e. cyclic structure of the verb stem. Second, I shall show how both the phonological and morphological restrictions derive from a hierarchy of constraints which conspire to produce  the templatic generalizations on the overall stem. These include:

 

1. STEM SIZE: Like Tiene, verb stems in Basaa are maximally trisyllabic, including shapes such as CV, CVV, CVC, CVCV, CVVCV, CVCVV, CVCVC, CVCCV, CVVCVCV and CVCCVCV. Among the generalizations: Only the first and last syllables can be heavy (CVV or CVC). The middle syllable of a trisyllabic stem (which I refer to as the “prosodic trough”) can only have the shape CV. When morphemes are concatenated that would otherwise produce a CVV medial syllable, the length “metathesizes” into the first syllable, e.g. úgúu ‘crunch’ + -aha (causative) Æ úúg-aha ‘make crunch’. In addition, multiple suffixation is possible—but only if the template is not violated, e.g. only if the three-syllable maximum (and its permissible shapes) can exactly accommodate the suffixes.

 

2. CONSONANTS:  As I reported at the Nice GDR conference last June,there is a single series of stops /P, T, K/ which is realized [p, t, k] in stem-initial position, but as [b~B], [d~r] and [g] in non-initial position, e.g. /TiTiKi/ --> tidgi ~ tirgi ‘small’. In addition, there are important restrictions on which consonants can occur in the various non-initial “C slots”.

 

3. VOWELS: Basaa contrasts 7 vowels in stem-initial syllables: /i, e, E, u, o, ç, a/. A stem-final V can either be a copy of the first vowel (specifically in the case of CVCVV verbs) or one of the suffixes /-i/, /-E/ or /-a/. The quality of a non-final vowel is always predictable: In CVCVC stems, the second V must be identical to the first (e.g. káhâl ‘begin’, tigil ‘thicken’), while in CVVCVCV and CVCCVCV stems, the internal V (in the prosodic trough) must be identical to the final vowel (e.g. úúgaha ‘make crunch’, úúgEnE ‘crunch for s.o.’). This means that identity with the final vowel must be ranked higher than identity with the initial vowel, hence *úúguha, *úúgunE. In addition, since multiple suffixation is possible, there are forms whose construction involves two (or even three) of the final vowels /-i, -E, -a/. In this case the morphology is irrelevant in determining which vowel will surface. Instead, there is a strict hierarchy: -a >> -E >> -i.

 

4. MORPHS AND ALLOMORPHS: As mentioned, whether a verb can be causativized, passivized, and/or applicativized etc. depends on whether the template can accommodate one or more of these suffixes or suffix sequences. In addition, the applicative morpheme has two allomorphs: -(V)l occurs directly after monosyllabic roots, e.g. mil ‘swallow’ Æ milil ‘swallow for’, sum ‘attach’ Æ sumul ‘attach for’. The other allomorph -(E)nE occurs whenever the applicative does not immediately follow a monosyllabic root, e.g.  úgúù ‘crunch’ Æ úúgEnE ‘crunch for’. Crucially, this includes “derivations” such as: sóN ‘save’ ÆN-â ‘save oneself’ ÆN-n-a ‘save oneself for’. In this case, the structure of the last form is [ [ [ CVC ] -a ] APPL ], where APPL is spelled out with the [n] of its second allomorph (normally -(E)nE) because of the complex base—even though the applicative morph will be infixed right after the CVC root. This example also shows the syncope rule /CVCVCV/Æ CVCCV as well as the overriding of the applicative vowel [E] by the reflexive vowel [a], as per the hierarchy noted in the preceding paragraph.

Templatic activity in Czech

 

Tobias Scheer

Université de Nice-Sophia Antipolis

 

The goal of this presentation is to show that 1) Czech does recur to templatic restrictions on morphologically defined categories and 2) compare this templatic status to languages that are reputed to be templatic (Semitic).

 

Templatic activity is active in Czech in at least two places: infinitives and the morphological object [prefix+root]. If templaticity is defined as a restriction of melodic (=consonantal or vocalic) volume on a given morphological object, the template of Czech infinitives is "two morae at most", and the one governing [prefix+root] "three and only three morae".

 

(1) below provides illustration for the restriction imposed on infinitives.

 

(1)         Infinitives are at least bimoraic[1]. Three ways to meet bimoraicity:

a.   two short vowels                                                                              dlat

b.  one long vowel                                                                  znát

c.   one short vowel and one syllabic consonant              trpt, vrtit

 

 inf                       1st sg pres      past active part.

krás-t                   krad-u              kradl           "steal"

rçs-t                                     rost-u                  rostl                           "grow"

krý-t                     kry-j-u             kryl             "cover"

stá-t se                                stan-e se             stal se                        "become"

zná-t                                             znal             "know"

                   po-znat                                         po-znal       "recognize"

dlí-t                                               dlel              "stay"

prá-t                     per-u                pral             "wash"

vy-pra-t               vy-per-u          vy-pral       "wash out"

 

The other template in fact does apply only to a subset of the object [prefix+root], i.e. prefixed denominal nouns. This implies that verbs and deverbal nouns have always short prefixes, while denominal nouns show prefixal length. For instance, the root Öbav "have fun" gives a verb and a deverbal noun that are short (za-bavit, za-bav-en-R, -en- being the past passive participle marker), but a denominal noun with a long prefix (zá-bav-a, -a being the NOMsg case-marker).

However, it would be wrong to say that all denominal nouns possess a long prefix, cf. nouns built on the nominal agentive/ nominalizing suffix –ka:

zadávka, zahálka, zahálka, zahrádka, zahrádkáÍ, zacházka, zachránce, zachránkyn, zajíñd'ka, zakázka, zakázkový, zanáÓka, zaráñka, zastávka, zatáka, zavíjec

against

zádrñka, zádumivec, zádumivost, zádumivý, záhumenek, záchytka, zájemce, zájemkyn, základka, záklopka, zákonodárce, zákoñka, zákrsek, zákusek, záloñka, zálepka, zámeek, zámyka, zámnka, zámrka, záminka, zámotek, zánoñka, západka, zápalka, záporka, zápisek, zápletka, zápletkový, záprañka, záprÓka, záprtek, zármutek, zárodený, zárodek, zárodkový, záÍivka etc.

The obvious generalisation that obtains regards the root-vowel, whose length is in complemetary distribution with the length of the prefix: if the root-vowel is long, the prefix is short, and vice-versa. Hence, the exact length for the object [prefix+root] of denominal nouns is "three morae", no more, no less.

 

Languages are usually devided into templatic and non-templatic, and this opposition is assumed to follow genetic kinship, e.g. Afro-Asiatic = templatic vs. Indo-European = non-templatic. The Czech situation casts doubt on a strict division of that kind. Rather, it suggests that languages that are reputed to be non-templatic may well host a templatic system in a particular and very restricted area of their morphology. Or, in other words, everybody knows that all "templatic" languages also recur to concatenative morphology. It may well be that "non-templatic" languages do also make use of templatic morphology. The difference, then, should not be described as a principled opposition, but rather as one where the amount of templaticity a language possesses is variable.

But even assuming the possibility for an IE to have templatic islands in their morphology, Slavic does not look like a good candidate for templaticity because it hosts consonantal clusters of extreme size, and there is an obvious correlation between templaticity and overt CVCV-character of Semitic languages.

Finally, it is worth while asking the question whether a Semitic vs. non-Semitic distinction between templatic languages may be established on the ground of morphological relevance: in Semitic, templatic activity usually represents a morpheme: binyan I is unmarked, binyan II is intensive etc., binyan III is reciprocal etc. The fact of being long or short in the two Czech cases discussed is not a matter of morphemic distinction: the morphological information "infinitive" is carried independently from length by the suffix –t, and denominal nouns do not need the restriction on [prefix+root] in order to identify because the suffixes do this job.

Hence, the typological question to be asked is "are there non-Semitic languages where templatic activity is attested and morphemic?"

 

 

 

 



[1]      Only a handful of verbs such as chvt se "tremble", pt "sing" or jet "ride" disregard this generalisation.