GABARIT, MORES ET GEMINATION CONSONANTIQUE EN BARASANA
Elsa GOMEZ-IMBERT
ERSS - UMR 5610 Toulouse
Je voudrais rapprocher trois ordres de faits :
1. Des processus phonologiques barasana indiquent que le gabarit des
lexèmes et des morphèmes est défini en termes de mores.
2. On constate par ailleurs que le gabarit standard des racines nominales
et verbales est bimore -- CVCV, CVV, VCV, VV -- où V équivaut à une more.
3. Lorsque la consonne interne des racines CVCV ou VCV est [-continu], elle
se réalise géminée (voir Colloque Inaugural du GDR à Nice).
Je voudrais me concentrer ensuite sur les façons d¹obtenir la gémination des
consonnes non continues (point 3) :
- Dans les modèles à squelette CV ou XX, le contenu segmental de la consonne
sera associé à deux positions.
- Dans les modèles à mores, où les consonnes n¹ont pas de représentation
comparable à C ou à X, elles deviendront ambisyllabiques et directement
syllabées en coda de la première syllabe et en attaque de la deuxième.
La question se pose alors de savoir si la consonne en coda est morique ou
non (après vous avoir convaincu de la nécessité des mores naturellement
(point 1)). Ne pas lui accorder de poids permet de formuler une
généralisation intéresante à propos du gabarit (point 2) ; lui accorder du
poids morique rend trimore la plupart du lexique, faisant disparaître ainsi
une propriété frappante de la langue.
Un fait plaide cependant pour cette dernière option. Bien qu¹une suite de
voyelles soit finale (CVV, VV), il existe quelques racines CVVCV où la
consonne interne non continue n¹est pas géminée. Ce blocage de la gémination
peut découler du fait que la première syllabe a déjà deux mores, si on
accorde du poids à la consonne en coda.
L'observatoire d'oïl au-delà de la
diachronie : un espace dialectal à découvrir pour les nouvelles phonologies
Jean-Léo Léonard
TyGRe, Syler, Paris 3
Cette communication présentera un certain nombre de phénomènes
attestés
dans les dialectes d'oïl modernes, notamment picard, gallo et poitevin,
susceptibles d'intéresser les nouvelles phonologies. Notre objectif sera
donc dans un premier temps de présenter des faits dialectaux dans une
perspective moins géolinguistique qu'en synchronie polylectale. Cette
démarche descriptive aura pour but à la fois de susciter l'intérêt pour un
observatoire dialectal peu connu des phonologues modernes qui travaillent
sur le français standard ou oral, et de proposer des pistes de recherche.
Les points retenus pour ce survol empirique concerneront le vocalisme :
- systèmes d'alternances prosodique des noyaux simples et complexes
(voyelles longues et diphtongues, semi-diphtongues) : alternances
atone/tonique et répartition des traits secondaires des voyelles marquées
(voyelles nasales et, en général, toute voyelle complexe issue de coalescence)
- corrélations de timbre, de durée et de tension
- réflexions vocaliques, ou diphtongaisons de surface des voyelles
labiales et nasales
Loin d'être des "langues historiques" obsolètes ou disparues, les
dialectes d'oïl périphériques conservent une certaine vitalité et continuent
d'évoluer. Leurs systèmes phonologiques diffèrent du français central
notamment par les conséquences segmentales de leurs stratégies de marquage
accentuel et les classes de noyaux constituant leurs vocalismes. L'examen
de ces phénomènes dans les dialectes d'oïl occidental - tout comme en
québécois ou en acadien - permet un gain de transparence sur des
phénomènes par ailleurs opaques en français standard ou "commun", notamment
l'accentuation.
L’acquisition
de la liaison et la question
du rattachement lexical des
consonnes de liaison
La liaison en français
est un thème récurrent de la phonologie de l’adulte. Depuis l’approche de
Schane (1968) dans le cadre de la phonologie par règles de Chomsky et Halle
(1968), jusqu'aux propositions récentes de Tranel (à paraître) dans la
perspective de la théorie de l’optimalité (Prince & Smolensky, 1993 ;
McCarthy & Prince, 1993), la modélisation de la liaison a toujours
constitué une épreuve inévitable pour les théories phonologiques. Par ailleurs,
la nature variable de certaines consonnes de liaison (dorénavant : CL) en
fait un objet privilégié des études de corpus sur la variation phonologique
chez l’adulte (Agren, 1973 ; Lucci, 1983 ; De Jong, 1994, etc.).
La liaison est donc bien
décrite chez l’adulte, et son fonctionnement est modélisé par un arsenal formel
qui illustre l’histoire et la diversité des théories phonologiques. En
revanche, son acquisition et son usage chez l’enfant restent une terra
incognita. De plus, certaines erreurs par adjonction (“ le
narbre ”) ou par substitution (“ des narbres ”) de consonnes de
liaison sont des stéréotypes bien connus du baby talk français. Mais le
lien entre ces erreurs, l’acquisition de la liaison et le problème de la
segmentation des mots n’a jamais été approfondi.
Les questions théoriques
posées à propos de la liaison chez l’adulte semblent s’articuler autour de
quatre thèmes : (1) la définition morphosyntaxique des domaines où elle
est obligatoire, facultative ou interdite (2) la représentation de la nature
alternante des CL (3) le rattachement lexical des CL (4) le lien entre liaison
et élision ou h aspiré. Les données d’acquisition que nous présenterons
documentent le troisième de ces thèmes. En outre, elles posent les premiers
repères empiriques jalonnant l’acquisition de la liaison entre 2 et 4 ans. Plus
particulièrement, trois types de données seront présentés. Premièrement, nous
analyserons 665 erreurs de type “ le narbre ” ou “ un
zarbre ” recueillies lors des interactions quotidiennes d’une fillette,
entre 2 ans 1 mois et 3 ans 6 mois. Deuxièmement, nous présenterons les
résultats d’une première expérience menée auprès de 24 enfants (âge
moyen : 3 ans 8 mois). Cette expérience est destinée à tester l’hypothèse
selon laquelle la CL est encodée chez l’enfant à l’attaque initiale des mots
commençant par une voyelle chez l’adulte, et à préciser les conditions
favorisant les erreurs. Troisièmement, nous présenterons les résultats d’une
deuxième expérience menée auprès de trois groupes d’enfants d’âges
différents : 15 enfants dont l’âge moyen est 3 ans 5 mois, 24 enfants d’âge
moyen 4 ans 6 mois, 15 enfants d’âge moyen 5 ans 8 mois. Cette seconde
expérience, basée sur l’utilisation de pseudo-mots, est destinée à tester les
procédures de segmentation mises en œuvre par les enfants au contact d’un mot
nouveau inséré à une séquence ambiguë, où un /z/ ou un /n/ peuvent être traités
soit comme une CL, soit comme l’attaque initiale du mot suivant. Les enfants
sont confrontés à l’image d’un animal imaginaire que l’expérimentateur désigne,
par exemple, comme “ un (n)ouril ”. Il leur est demandé ensuite de
désigner une seconde image représentant plusieurs animaux du même genre. Selon
que les enfants répondent “ des z-ourils ” (avec une liaison en /z/)
ou “ des nourils ”, on considère que le [n] entendu dans la parole de
l’expérimentateur a été traité comme une CL ou comme la consonne initiale du
nom suivant le déterminant “ un ”.
Au total, les résultats
suggèrent les faits suivants : (1) certaines CL sont encodées à l’initiale
des mots dans le lexique enfantin (/naRbR/); (2) pour chaque mot, plusieurs CL
en alternance sont encodées dans cette position (/naRbR/, /zaRbR/, /taRbR/));
(3) à 3 ans, la préférence pour une syllabe initiale CV n’est pas un critère
pour segmenter les mots nouveaux ; à 4 et 5 ans, les segmentations CV sont
au contraire évitées ; (4) les régularités distributionnelles (en
français, plus de mots commencent par /n/ que par /z/) influencent la
segmentation des mots nouveaux à partir de 4 ans ; (5) entre 3 et 4 ans, le
pourcentage de liaisons correctes corrèle avec l’âge ; (6) chez les
enfants de 3-4 ans qui maîtrisent le mieux la liaison, les erreurs par omission
de la CL sont plus fréquentes et la force de /n/ dans les erreurs est moins
importante. A partir de ces résultats, nous proposerons deux ébauches concurrentes
de scénario développemental, selon qu’on postule comme Morin (à paraître) que
les CL prénominales chez l’adulte sont des préfixes nominaux, ou selon qu’on
adopte la position classique qui les situe lexicalement à la finale des
déterminants et des adjectifs.
Constraints on Function Words: the Southern
Gascon article
J.P. Montreuil
In Southern Gascon
dialects, Proto-Romance /l/ obstruentized to [t] in word-final position and
rhotacized to [r] intervocally, with the result that, in most dialects, the
forms /et/ and /er+o/ are the synchronic inputs of the Gascon definite article,
with [s] as a plural marker. It will be shown that these inputs correspond to a
multiplicity of outputs in the phrasal phonology and that the complexity of the
allomorphic distribution reveals many crucial aspects of the entire phonology
of Gascon. Furthermore, dialectal variation reveals further grammatical and
lexical complexity, and we show that OT is able to determine when this state of
affairs is reflected by constraint-reordering as opposed to input
restructuring.
The allomorphic
distribution in the masculine responds primarily to constraints prohibiting
place of assimilation (PA) contours. Markedness pointing to /t/ as the ultimate
generic Romance plosive, /t/ PA-assimilates to the following word (1). A
F(aith)/pa-onset, *pa-contour >>
f/pa-coda ordering accounts for not only for the forms in (1), but also
for the cases where /t/ does not assimilate to the following consonant in
[h]-initial roots, as in (2). Rather, /h/ assimilates progressively to /t/. OT
can represent this state of relative markedness in a non ad-hoc fashion, the
idea being that richer structures always attract poorer structures. The
direction of assimilation directly follows from the structural complexity of
the segments concerned. Only with /h/ does the [tt] candidate fail to violate
F/PA-ONS, since /h/ is placeless (Tableau 1).
Phonotactics in
the plural forms show the interplay of an undominated *3-C cluster constraint prohibiting certain consonantal
sequences. Max-io is violated by
the deletion of /t/, rather than that of plural /s/ (morpheme-integrity) or of
the initial consonant (root-integrity). Cases of input restructuring are also
considered: notably, the regularization into [er] m. / [ero] f. in some
dialects and palatalization in Haut-Comminges, where inadmissible clusters
potentially arise even in the singular (3). From an input /etS/, the same grammar correctly selects the
optimal allomorphs shown in (4 and Tableau 2).
Next consider
syllable optimization as manifested in hiatus resolution. The initial vowel of
the article is elided after a vowel in the phrase (5). The feminine /erO/ behaves similarly (6a), but its final [O] also elides before vowel (6b). This
results in 'double elision' when the article is both preceded and followed by
vowels (6c). This situation is not atypical of Romance and illustrates several
claims that have recently been made in the literature concerning the need to
preserve features or segments which occur in certain morphological or prosodic
positions, since roots are left untouched and elision affects systematically
the article itself rather than the function words which surround it. MaxV
breaks into two subconstraints and all elision patterns follow from a MaxVLex >> Dep >> Ons >>
MaxVMorph ranking. Cases where the vowel fails to delete after glides
(7) constitute apparent counter-examples, but we bring evidence that word-final
VG sequences should not be viewed as left-headed (falling) diphthongs, and that
consequently the glide is non-nuclear.
One context requires special provisions: Gascon
displays the prosthetic 'e' which is so common in Southern Romance. However, no
elision takes place before prosthetic 'e'. Rather, prosthesis itself is not
called for. The Onset Sonority,
Contiguity, Max >> Dep ranking accounts for the post-lexical
character of prosthesis.
Data
(1) et drolle [dd] et
gat [gg] et casse [kk] et mialan [mm]
(2) et hour [et.tur] *[hh] et
hoc [et.tok] *[hh]
(3) Haut-Comminges masculine singular
before C: [eb]
baqué [ek] casse [eS] chiulet [el]
libe
before V: [edJ] arbre
[edJ] estournèu [edJ] isart [edJ] obus
(4) Haut-Comminges masculine plural
before C: [ez]
braus [es]
courbasses [ez] dinès [es] teules
before V:
[edz] audèts [edz]
elefants [edz]
irisses [edz] utisses
(5) coupo [dJ] arbe coupa
[t] pan
(6a) coupo [ro] branco parti à [ro] guèrro
(6b) qu'aucits [er] auco
(6c) que part à [r] attaco que sorti de [r]
auberjo
(7) no elision
after glide: que bau et mèn qu'ei
es tos qu'a pou
era net
(8) era 'scolo *er'escolo (cf. escolo) era
'scletto * er'escletto (cf.
escletto)
*Vce-contour : No contour in voice quality.
*Pa-contour: No contour in point of assimilation.
Max-io: Don't delete input segments
F/Pa-ons: Don't alter the place features of onsets
F/Pa-coda: Don't alter the place features of codas
Lic-Vce / morph: The voice of a coda C is validated by the
following nucleus.
*3-C: No three consonants in a row
* pal:
No palatals
MaxMS: Any input
segment which is the only segment in its morpheme must have a corresponding
segment in its output.
MaxVLex:
Every input V in a lexical word must correspond to a V in the output
son (= Onset
Sonority) : Onset clusters rise in sonority.
cont (= Contiguity)
: No morpheme-internal epenthesis.
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/t g/ |
*Vce-contour |
*pa-contour |
Max-io |
F/pa-ons |
F/pa-coda |
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tg |
* |
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tt |
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√ |
gg |
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dg |
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g |
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/t h/ |
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th |
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√ |
tt |
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hh |
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* |
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h |
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* |
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Tableau 1: /et gat/ the cat; /et hur/ the oven
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/etS + s arbes/ |
MaxLex |
MaxMs |
*3-C |
Lic-Vce /morph |
Vce-Contour |
*PA-Contour |
Max-io |
*Pal |
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ets arbes |
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* |
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* |
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√ |
edz arbes |
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etS arbes |
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edJ arbes |
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* |
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eJ arbes |
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* |
* |
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/etS + s pans/ |
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et pans |
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etS pans |
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ep pans |
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etSs pans |
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** |
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edz pans |
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√ |
es pans |
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** |
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ets ans |
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eSs pans |
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* |
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* |
* |
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eS pan |
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* |
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* |
* |
Tableau 2: /etS + s arbes/ the trees; /etS + s pans/ the breads
Selected references
Bianchi, A. & A. Viaut. 1995. Fichas
de grammatica d”occitan gascon normat. Bordeaux: PU.
Casalí, Roderic F. 1997. Vowel elision in
hiatus contexts: which vowel goes? Language 73, 3: 493-534.
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New York & London: Garland Publishing.
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Consonantal Assimilation. Standford University dissertation.
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Analysis of Spanish, Catalan and Galician. University of Illlinois.
Daulon, Louis. 1991. Grammaire gasconne.
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Kaisse, Ellen. 1977. Hiatus in Modern
Greek. Cambridge, MA. Harvard University.
Seguy, Jean. 1954. Atlas linguistique et
ethnographique de la Gascogne. Toulouse: IEMFL.
Emergence du
non-marqué segmental dans les hypocoristiques à redoublement
du français
Marc Plénat,
erss
Le schème utilisé par les hypocoristiques à redoublement du
français (un pied dissyllabique
à première syllabe ouverte, cf. Victor > Totor) et les simplifications
de constituants syllabiques qui caractérisent ce mode de formation
(cf. Brigitte > Bibi) peuvent être considérés comme la manifestation de
l'émergence d'un non-marqué structurel. Le probleme le plus délicat, cependant,
dans l'étude de ces hypocoristiques réside moins dans la caractérisation
du schème qu'ils utilisent que dans la sélection du matériel segmental
qu'ils empruntent au prénom. Si, en effet, une majorité d'hypocoristiques
redoublent la première syllabe du prénom dont ils sont issus, on
observe aussi un assez grand nombre de cas où tout ou partie du matériel segmental
emprunté provient d'ailleurs (cf. Valérie > Vévé, Vivi, Lili, Riri à côté
de Vava). Pour rendre compte de cette variation, nous avançons l'hypothèse que
les contraintes de fidélité (Linéarité, Contiguïté, Ancrage à gauche) qui aboutissent
d'ordinaire à la sélection du matériel segmental figurant dans
la première syllabe, peuvent à l'occasion être
contrariées par d'autres contraintes. L'inégale
expressivité des voyelles joue très vraisemblablement
un rôle important. Mais l'inégale aptitude des
consonnes à figurer en position d'attaque ou de coda
joue très probablement un rôle aussi (il y a par exemple lieu
de penser que si Victor fait régulièrement Totor et non Vivi ou Toto,c'est que
/t/ constitue une meilleure attaque que /v/ et que /r/ est une bonne coda). Il
y aurait donc ainsi une émergence d'un non-marqué segmental simultanée à l'émergence
du non-marqué structurel. L'hypothèse présentée soulève un assez grand
nombre de problèmes. Elle est en particulier peu compatible avec la méta-contrainte
de Hiérarchie des marges proposée par Prince & Smolenski (les meilleures attaques semblent être les
momentanées et non les obstruantes, et la hiérarchie
des codas paraît être distincte de celle des attaques).
Données,
typologies et tendances structurelles
Nathalie
Vallée, Louis-Jean Boë, Isabelle Rousset
Institut de la
Communication Parlée
BP 25 –38040 Grenoble
cedex 9, France
Tél.: ++33 (0)476 82
41 19 - Fax: ++33 (0)476 82 43 35
Mél:
vallee@icp.inpg.fr
Si la syllabe ne répond pas seulement à une analyse formelle, mais aussi à des contraintes de
production et de perception de parole, alors on doit pouvoir trouver les traces
de son organisation dans les langues du monde. Nous pensons que l’analyse des séquences généralement favorisées ou défavorisées dans les
langues, des fréquences
des combinaisons inter- et intra-langue au niveau syllabique et lexical, des dépendances et indépendances
distributionnelles des unités phoniques inter- et intra-syllabiques, ainsi que la confrontation
des tendances des structures syllabiques aux données de l’ontogenèse, renseignent sur
le rôle de
l'organisation syllabique dans le fonctionnement du langage. Notre démarche consiste à mettre en place,
et rendre disponible, des lexiques "représentatifs" des
langues du monde – matériau susceptible de
servir de référence dans le cadre
de recherche sur la phonologie de la syllabe et utilisable pour la mise à l’épreuve de modèle d’émergence
syllabique.
Dans l'état
actuel d’avancement,
nous nous limitons ici à une présentation
de résultats
préliminaires
qui permettent déjà de dégager des caractéristiques
typologiques des langues à partir des structures syllabiques et d’avancer des considérations générales sur les types
syllabiques de 13 langues : wa, kannada, sora, thaï, nyahkur, ngizim,
afar, kanouri, navaho, kwakw'ala, quechua, yup'ik, finnois. Cet échantillon est issu
d’une
banque de données
contenant les lexiques de 32 langues découpés en
syllabes que nous implantons actuellement à l’ICP sous l’acronyme ULSID
(UCLA - Université de Los
Angeles - Lexical and Syllabic Inventory Database). Les langues ont été sélectionnées par Ian
Maddieson dans un souci de représentativité à la fois génétique et géographique :
diversité des
familles de langues et large répartition géographique.
Les langues qui ont été retenues disposent
d’un
dictionnaire ou d’un
lexique dont les entrées sont
phonétiques
ou phonologiques ou orthographiques. Dans une première étape, nous avons
harmonisé la
notation phonétique/phonologique
entre les lexiques en adoptant les symboles de l’API (1996) tout en
conservant les informations du découpage syllabique. Nous disposons à l’heure actuelle, par
langue, en moyenne, de 4 560 termes, soit un total d’un peu plus de 160 500
syllabes résultant
du découpage
de ces 60 000 entrées
lexicales.
Nous avons élaboré une typologie des
langues en fonction du nombre de syllabes par entrées lexicales, grâce à laquelle nous
faisons émerger 4
types de lexique. Le calcul de la forme canonique des langues (rapport entre le
nombre total de syllabes pour l'ensemble d'un lexique donné et le nombre
d'entrées
lexicales) montre une tendance forte pour les structures lexicales di- et
trisyllabiques.
Nous avons procédé ensuite
à un
regroupement des syllabes identiques pour chacune des langues et déterminé le rendement
syllabique. Il s’agit du
rapport entre le nombre total de syllabes obtenues dans le découpage d'un
lexique donné et le
nombre de syllabes différentes comptabilisées après
regroupement (un rendement proche de 1 signifie que la fréquence des syllabes
dans le lexique de la langue concernée est minimale). Nous montrons qu’il existe une corrélation entre le
rendement et les quatre types de lexiques.
La décomposition
des syllabes de chaque lexique en constituants C et V, et leur regroupement en
structure identique (cohorte), révèlent que
le nombre de ces cohortes est relativement restreint, quelle que soit la
langue, et qu'il varie dans un intervalle allant de 4 à 12, avec une
moyenne de 7.7 types par langue. Nous montrons que le contingent de types de
cohortes pour chaque langue est indépendant de la taille du lexique, du nombre total de syllabes et du
rendement. Les syllabes fermées présentent
plus de diversité : 11
types contre 5 pour les syllabes ouvertes. Autre tendance très forte : les
groupements consonantiques intra-syllabiques sont nettement défavorisés ; on ne
les rencontre que dans 1.26 % des quelques 160 500 syllabes de
notre corpus. Ces groupements consonantiques apparaissent en majorité (67 %) à l’attaque contre 33 % en
coda. Il faut souligner également que les consonnes complexes (celles qui superposent à une articulation
de base des modes articulatoires tels que la labialisation, l'aspiration, la
glottalisation, la palatalisation, la prénasalisation...
mais qui n'occupe qu'une position C dans notre corpus) sont bien plus fréquentes en attaque
de syllabe.
Les articulations vocaliques ou consonantiques élaborées peuvent apparaître dans les
syllabes les plus fréquentes
d’une
langue donnée
(exemples [k a: n] [tõi] ou [kõ w a: m] qui
sont respectivement les syllabes de rang 2, 4 et 5 du thaï). La comparaison
des syllabes les plus fréquentes pour chaque langue, montre qu'elles possèdent
majoritairement une attaque constituée de plosives sourdes, vélaires et coronales [k t], devant les latérales coronales
[l], les nasales coronales et bilabiales [m n] et la fricative coronale sourde
[s]. Les noyaux de ces syllabes fréquentes sont pour plus d'une syllabe sur deux occupés par la voyelle
ouverte [a], devant [i] et [u]. Nous remarquons également que [a]
constitue le noyau le plus répandu des syllabes qui présentent une attaque et une coda vide (type V). Si une langue ne présente pas cette
tendance, alors la structure V est marginale ou inexistante sur l'ensemble du
lexique (navaho, wa, nyakhur, thaï). Il est plus difficile de tirer une observation générale sur la nature
des consonnes en coda de syllabes fréquentes dans une langue car pour beaucoup c'est la structure CV qui prédomine. À noter une forte
proportion de [n] dans cette position. Parmi les syllabes les plus répandues dans une
langue donnée,
l'inventaire des consonnes en coda semble bien plus restreint que l'inventaire
des possibilités pour
les consonnes en attaque.
La fréquence
importante de la structure CV, la marginalisation des groupements
consonantiques intra-syllabique et la forte proportion d’unités dissyllabiques
dans les langues pourraient bien relever de contraintes de production ; d’autant plus que l’attracteur CV émerge dans les données de l’ontogenèse en constituant
les syllabes canoniques du babillage de l’enfant, quelque
soit son environnement linguistique.
Véronique Aubergé
Institut de la Communication Parlée, UMR CNRS 5009, Grenoble
Si l'on adopte l'hypothèse d'une prosodie perçue selon des principes de
Gestalt et organisée en catégories de formes globales (dans la tradition de
Delattre et Fonagy), on est en droit de se poser deux questions :
* Cette hypothèse conduit-elle à une représentation phonologique de
la prosodie ?
* La phonologie tonale est-elle en contradiction avec cette hypothèse ?
Nous allons retracer ici, pour illustration, les principes d'un modèle
Gestaltiste de la prosodie du français [Aubergé 92], développé d'abord pour
représenter la fonction de segmentation/hiérarchisation des énoncés, ainsi
que la fonction attitudinale. Nous essaierons de montrer qu'un tel modèle
permet d'envisager un fonctionnement catégoriel phonologique des contours
tandis qu'une phonologie tonale, qui situe la distinctivité des unités à un
niveau de granularité inférieur, ne permet pas d'expliquer une systémique
directe des contours.
D'autre part, nous interpéterons certaines propriétés perceptives de
prédiction des contours [Grosjean, 83 ; Gronnum, 87 ; van Heuven et al, 97,
Aubergé et al, 97] comme les indices de non compatibilité avec une
description linéaire des contours par des grammaires de tons et des indices
de rupture, tels que les mettent en oeuvre les modèles phonologiques
classiques [Mertens, 95 ; Hirst, 93], en particulier les modèles basés sur
un étiquetage TOBI [Pierrehumbert , Beckman, 90].
Cependant, il est possible de réconcilier les deux approches, en gardant
l'hypothèse de traitement global, si l'on accepte :
* de considérer la décomposition tonale comme une étape
sous-symbolique du traitement cognitif de la prosodie (ce qui obligerait à
conserver une ligne non symbolique au traitement tonal) ;
* de poser l'hypothèse supplémentaire de l'émergence du contour
global à partir de la substance prosodique "pré-découpée" en pièces tonales
; le ton n'est donc pas directement un élément participant au sens, mais un
élément "morphologique", clé dans le processus de reconnaissance et accès à
la forme globale ;
* d'envisager la prosodie tonale comme résultante d'une démarche
ascendante dans la modélisation prosodique, tandis que la modélisation par
formes globales reste fondamentale descendante.
Le mot minimal en
italien: le cas de l'impératif
L'italien est une langue qui, comme d'autres, manifeste des contraintes de minimalité. D'une manière particulièrement intéressante, cette contrainte se manifeste à l'impératif et au vocatif: en vertu même de leur fonction, ces formes qui relèvent du plan de l'appel (cfr. Buhler) sont en effet des formes brèves. Cependant, il est possible de montrer que ces formes ne descendent pas en deçà d'un certain gabarit. Par exemple, les "impératifs" (2e sg.) des verbes volere (vouloir), sapere (savoir), avere (avoir) et essere (être) sont dérivés des subjonctifs correspondants:
— volere: vogli [·vO:íi] (imp.) < voglia [·vO:ía] (subj.)
— sapere: sappi [·sappi] (imp.) < sappia [·sappja] (subj.)
— avere: abbi [·abbi] (imp.) < abbia [·abbja] (subj.)
— essere: sii [si:] (imp.) < sia [·si:a] (subj.)
L'impératif des verbes volere, sapere, et avere apparaissent donc comme des "truncated forms". Aussi, dans le cas de l'auxiliaire essere, l'effacement de la désinence -a devrait-il logiquement donner une forme si [si], analogue à celle des modaux sus-mentionnés. Au contraire de cela, l'impératif de l'auxiliaire essere présente une voyelle longue: le "deuxième" i de sii ne peut donc absolument pas être une désinence. Il est en revanche possible d'analyser ce "deuxième i" comme la manifestation d'un allongement vocalique visant à satisfaire la contrainte de minimalité; cet allongement produit donc un pied binaire bi-moraïque:
Au fond, les impératifs (dits monosyllabiques) de verbes tels que fare ou dare affichent la même caractéristique, puisqu'ils se présentent en contexte autonome comme des pieds bi-moraïques:
Le phénomène de raddoppiamento que l'on observe aux formes enclitiques confirme d'ailleurs l'existence de ce gabarit: ex. Fammi! ["fammi] / Dammi! ["dammi]: le deuxième élément de la diphtongue est ici dissocié de la seconde more à laquelle s'associe la consonne initiale du clitique:
Phonologie des « mores
spéciales » en japonais et poids mélodique
Laurence
Labrune, Université Bordeaux 3, Erss
Il existe en japonais des
éléments phonologiques particuliers, qualifiés traditionnellement de
« mores spéciales » (ou « phonèmes spéciaux »). Ces
éléments ont pour caractéristique de valoir une unité rythmique au même titre
qu’une séquence CV, et de constituer la deuxième more d’une syllabe lourde
(éventuellement la troisième more d’une syllabe extra-lourde).
Ces « mores spéciales » appartiennent aux
quatre types suivants :
-
/N/ : nasale-more
ex. /hoN/ [hon]
« livre »
-
/Q/ : première partie d’une obstruante géminée
ex. /haQpa/ [happa] « feuille »
-
/R/ : longueur vocalique
ex. /hoR/ [ho:] « direction »
- /J/ : deuxième partie d’une diphtongue
ex. /aJ/ [ai] « amour]
Ma communication se propose
de poser le problème de ces mores spéciales en japonais, en interaction avec
les structures prosodiques et segmentales. Ma présentation sera organisée comme
suit :
1. Je rappellerai d’abord les principales
caractéristiques des mores-spéciales en japonais. Outre leur statut
moraïque, elles présentent trois types de propriétés :
a)
propriétés segmentales
-
« incomplétude » segmentale : les
mores-dépendantes (sauf /J/) héritent une partie de leur contenu segmental des
segments environnants (par assimilation progressive pour /R/, par assimilation
régressive pour /N/ et /Q/).
b)
propriétés prosodiques
- Les mores dépendantes sont inaccentuables :
lorsque l’accent doit frapper une more-dépendante, il recule sur la more
précédante.
- une forme tronquée de 2 ou 3 mores ne doit pas se
terminer par une more-dépendante *paR *daJ *demoN, *daJja (Itô 1990)/
- Les mores dépendantes sont instables : elles
apparaissent et disparaissent plus facilement que les autres types d’éléments
(cf. évolutions diachroniques, variation synchronique, langages secrets tels le
zuuzyago).
c)
propriétés distributionnelles
- Les mores spéciales n’apparaissent pas à l’initiale de
mot ; elles apparaissent toujours après une more de structure CV ou
V ;
- elles connaissent des contraintes de
co-occurrence : pas plus de 2 mores dépendantes à la suite (3, voire 4
dans des cas marqués) ; pas de succession d’une même more dépendante (*QQ
*NN *JJ *RR) ; séquences *NR *NJ *NN *QR *QJ *QN *JR interdites (mais RJ,
RQ, RN, JQ, JN, NQ, voire RJN, RNQ JNQ sont autorisés).
2. J’aborderai ensuite Le problème de la
représentation des mores-dépendantes.
Différentes représentations
des mores dépendantes ont été proposées : pour Yoshida (1990), /N/, /Q/,
/R/ et /J/ sont des constituants de la rime au sein de la syllabe (pour cet
auteur, le recours à la more se révèle inutile en japonais). Pour Itô et Mester
(1993), /N/ /Q/ /R/ et /J/ appartiennent à la rime (à la coda pour N et Q, au
noyau pour R et J). Kubozono (1994), Itô, Kitagawa & Mester (1992),
s’inspirant de la théorie moraïque, considèrent que /N/ /Q/ /R/ et /J/
constituent des unités pourvues d’un poids syllabique intrinsèque, à savoir
qu’ils sont associées à des µ elles-mêmes reliées à des syllabes. Pour ces
chercheurs, syllabe ET more sont pertinentes en japonais. Pour d’autres, comme
Komatsu (1981), et un grand nombre de phonologues japonais du courant
traditionnel, la syllabe est un constituant inutile ; seule la more
suffirait.
3. Les mores spéciales et la controverse more /
syllabe
Le statut et la nature phonologique des éléments /N/ /Q/ /R/ /J/ continuent de faire l’objet de nombreuses controverses. La question généralement débattue est celle de savoir si les unités prosodiques pertinentes du japonais sont la more, la syllabe ou les deux à la fois (la pertinence du pied ne semble pas remise en cause).
Le débat a été récemment
relancé par Kubozono (1996) qui prône l’utilité à la fois de la more et de la
syllabe pour rendre compte de différents procès phonologiques en japonais. Dans
les travaux récents, notamment, on recourt fréquemment à des contraintes telles
que Stress to Weight (« accentuer la syllabe lourde »), NonFinality
(« une syllabe lourde ne peut pas se trouver à la fin d’un mot
prosodique), etc ou à des filtres ou conditions de bonne formation tels que la Coda
Condition (Itô, 1986), ou l’interdiction d’avoir une coda branchante.
Toutes ces contraintes ou conditions de bonne formation en appellent à la
syllabe, qui apparaît finalement comme le seul élément légitimant les mores
spéciales. Mais il ne serait pas très difficile de démontrer le caractère ad
hoc de bon nombre de ces analyses, et de reformuler les contraintes ou
conditions énoncées ci-dessus sans en passer par la syllabe.
Il ne faut pas perdre de
vue que l’argument majeur pour poser la pertinence de la syllabe (en plus de la
more) en japonais est constitué précisément par l’existence de /N/ /Q/ /R/ et
/J/, et le besoin de distinguer entre syllabes légères et syllabes lourdes,
c’est-à-dire entre deux types de mores (dépendantes et indépendantes), les
syllabes lourdes étant définies comme constituées d’une syllabe (C)V suivie de
{N, Q , R , ou J}. Or, les propriétés de /N, Q, R, J/, à leur tour,
sont souvent expliquées comme résultant de la position occupée par ces éléments
dans la structure syllabique ! (Coda Condition, l’interdiction
d’avoir une coda branchante, etc.). Pour la plupart des analyses (quoique de
façon rarement explicite), les particularités segmentales qui sont celles des
mores spéciales découlent en fait de leur statut prosodique, les segments /N Q
R J/ devant être « licenciés » par la position syllabique ;
s’ils sont spéciaux, c’est parce qu’ils dépendent de la coda.
4. La structure segmentale des mores spéciales
Dans ces conditions, il est
légitime de se demander si l’explication des particularités des mores spéciales
ne serait pas à rechercher ailleurs que dans leur position post-nucléaire dans
un constituant de type syllabe. Plutôt que de regarder le niveau supérieur de
la hiérarchie prosodique (la syllabe), on pourrait envisager de s’intéresser au
niveau inférieur, à savoir la structure segmentale des éléments associés aux
mores spéciales.
Or, l’une des
caractéristiques les plus frappantes de mores spéciales paraît résider
justement dans leur incomplétude (leur déficience) segmentale, et leur
dépendance mélodique aux segments environnants.
C’est la raison pour
laquelle je voudrais tenter d’envisager les choses sous un autre angle, à
savoir que le statut prosodique des mores spéciales procède de leur
structure segmentale, autrement dit, que les mores spéciales sont
« licenciées » par le niveau mélodique plutôt que par le niveau
prosodique (cf. l’autosegmental licensing de Goldsmith 1990 /
a-licensing de Harris 1997, vs le prosodic licensing, de Itô 1986 /
p-licensing de Harris 1997). Cette analyse permettrait éventuellement de faire l’économie
du constituant syllabe en japonais, pour ne garder que la more et le pied,
unités prosodiques dont la pertinence est justifiée par de multiples phénomènes
phonologiques en japonais.
Pour cela, je voudrais
rapprocher le comportement des mores spéciales de celui d’autres segments du
japonais[1], à
savoir : les voyelles dévoisées, les voyelles épenthétiques, les voyelles
dépourvues d’une attaque.
En effet, ces voyelles, qui
occupent toutes la position de noyau dans une more indépendante de structure CV
ou V partagent plusieurs des propriétés des segments des mores-spéciales :
notamment, elles ne sont pas accentuables, elles connaissent des contraintes de
distribution et de co-occurrence. On peut considérer que ces voyelles partagent
avec les mores spéciales le fait d’être « segmentalement légères » ou
« réduites ». Ce serait donc le « poids segmental » qui
serait responsable de la non prominence des éléments qui nous intéresse.
Structure métrique et identité de mot dans les mots
composés japonais
Shigeko SHINOHARA
UPRESA 7018 CNRS/UNiversity Paris
III
Nous voulons montrer le rôle de la structure métrique non marquée dans le processus de mots composés en japonais. Le rapport entre la structure métrique et l’accent tonal du japonais a été identifié dans l’accentuation par défaut s’appliquant à certaines classes du lexique. En japonais la grande partie du lexique est spécifiée pour la place de l’accent. Par contre une partie du lexique manque cette spécification (formes adaptées de mots étrangers, noms propres, mots passés par des processus prosodiques ou "prosodically derived words" (cf. Tateishi 1991, Itô et Mester 1992, etc.), morphèmes dépendants) (Shinohara 1997b, 2000). Dans ce cas l’accentuation par défaut vient attribuer l’accent à certaine position. L'accentuation par défaut est définie comme à la tête du pied trochaïque placé à la fin d'une forme mais en laissant une syllabe derrière, --(µ’µ)s# (( ) indique un groupement en pied) : philatélie > /fi(ra’te)ri/, crudité > /ku(rju’di)te/, potiron > /(po’ti)roN/ (ex. de formes adaptées des mots français). Cette structure est celle déjà attestée dans les recherches antérieures de la formation des hypocoristiques, de la troncation, et du verlan des musiciens (Itô et Mester 1992, Tateishi 1991 etc.). Nous considérons que l’accentuation pat défaut reflèterait la structure métrique optimale en japonais. Dans les mots composés (N1+N2), l’accent par défaut émerge quand l’accent de N2 enfreindrait la structure métrique au delà du niveau que tolère la grammaire.
Nous avons trouvé les faits suivants d'après nos recherches des schémas accentuels des mots composés dans le dictionnaire de l'accentuation, "Meikai Nihongo Akusento Ziten (eds. Akinaga 1981)". Nous traitons ici les mots composés dont la longueur de N2 est de plus que deux mores (pour des faits et analyse des composés dont N2 est moins long, voir Kubozono 1995).
1) Quand N2 est accentué sur la syllabe finale, l'accent de N2 n'est pas retenu dans le composé et l'accentuation de composé (alignement de l'accent à la frontière morphémique entre N1 et N2) s'applique.
2) Quand N2 est accentué sur la syllabe contenant la more pénultième (= sur le pied bimorique final), la variation entre la rétention de l'accent de N2 et l'accentuation de composé est observée. Cela s'interprète comme quoi l'accent pénultième est instable.
3) Quand N2 est accentué sur la syllabe contenant la more antépénultième (= la position de l'accentuation par défaut), l'accent de N2 est retenu. Cette position est stable dans le processus d'accentuation de mots composés.
Des exemples de chaque cas sont présentés ci-dessous.
1) Schémas de l'accentuation de composés quand N2 est accentué sur la syllabe finale.
|
Composé |
Accent de N2 |
Glose |
1. |
huku#bu'kuro |
hukuro' |
sac de fortune |
2. |
sue#mu'sume |
musume' |
fille cadette |
3. |
suoo#ha'kama |
hakama' |
costume de théâtre 'kyoogen' |
4. |
hana#ko'toba |
kotoba' |
paroles de fleur |
5. |
hi#go'jomi |
kojomi' |
calendrier journalier |
2) Variation quand N2 est originalement accentué sur le pied final.
|
Composé |
Variation |
N2 |
Glose |
6.
|
iro#ki'tigai |
iro#kitiga'i |
kitiga'i |
nymphomanie |
7. |
hidari#u'tiwa |
hidari#uti'wa |
uti'wa |
faire une vie facile |
8. |
jude#ta'mago |
jude#tama'go |
tama'go |
œuf dur |
9. |
hosi#du’kijo |
hosi#duki’jo |
tuki’jo |
nuit claire |
10. |
mu#ti’tuzjo |
mu#titu’zjo |
titu’zjo |
chaos |
3) Préservation de l'accent de N2 quand N2 est accentué à la position de l'accentuation par défaut.
|
Composé |
N2 |
Glose |
11. |
edo#mura'saki |
mura'saki |
violet bleu |
12. |
nama#kuri'imu |
kuri'imu |
crème fraîche |
13. |
hikaku#geNgo’gaku |
geNgo'gaku |
linguistique comparative |
14. |
zjouki#kika’Nsja |
kika'Nsya |
locomotive à la vapeur |
15. |
buNka#kooro'osja |
kooro'osja |
légion d'honneur |
Les faits sont analysés dans le cadre de la Théorie de l'Optimalité. Dans notre analyse, quand plus de contraintes métriques seraient enfreintes par l'accent lexical de N2, cet accent ne peut être retenu dans le composé, à la place de celui-ci, l'accentuation de composé s'applique pour le déplacer. Il y a des cas où une contrainte métrique et l'accentuation de composé sont d'efficacité égale, dans ce cas la variation s'observe. Quand il n'y a pas d'infraction de contrainte métrique, l'accent de N2 est retenu.
L'accent par défaut
n’est pas visible à cause de l'accent lexical dans la plupart du lexique, mais
elle émerge quand la contrainte de Fidélité à l’accent lexical n'est pas
applicable (ex. noms propres, adaptation de mots français). Dans le processus
de mots composés, l'accentuation par défaut émerge également quand Fidélité à
l’accent de N2 et l'accentuation de mots composés sont intégrées dans
l'analyse.
Phonologie et phonétique d’un langage
sifflé : le silbo gomero
Annie Rialland,
UPRESA 7018, CNRS-Paris III
Cette communication présentera une étude phonologique et phonétique du silbo gomero, le langage sifflé de la Gomera dans les Canaries. Le silbo est une version sifflée de l’espagnol parlé à la Gomera. Il y a vingt ans, il était utilisé par la plupart des habitants de cette île montagneuse et pouvait transmettre une grande variété de messages (n’importe quel message selon les habitants). Actuellement, il est menacé de disparition (avec seulement cinquante personnes capables de le pratiquer) bien que certains habitants de la Gomera tentent de le sauvegarder et de le faire revivre, en particulier par des cours dans des écoles.
La présente étude est fondée sur des données collectées sur l’île de la Gomera : enregistrements, films d’échanges sifflés, interviews, tests de perception impliquant quatre siffleurs à des degrés divers. Une partie de ces données a été incluse dans un documentaire “Les derniers siffleurs de la Gomera” (M. Jamposki, réalisateur), diffusé sur ARTE, le 11 Novembre 1999.
Cettte communication considèrera 1) l’encodage phonologique en Silbo Gomero, 2) la nature du F2 transposé en silbo gomero (F2 or F2’), 3) le silbo gomero en tant qu’expérience perceptive grandeur nature.
1) L’encodage phonologique en silbo gomero
Le signal du sifflement est beaucoup plus pauvre que celui de la parole, étant formé fondamentalement d’une simple sinusoïde dont la fréquence évolue entre 1000 Hz et 3000 Hz (accompagnée ou non d’harmoniques régulièrement décroissants en intensité). La gageure du langage sifflé est d’encoder les phonèmes de l’espagnol dans un signal aussi simple.
Le but de cette partie est de montrer comment le langage sifflé peut tenir une telle gageure et dans quelle mesure il le peut. Nous présenterons systématiquement les réalisations des divers phonèmes en divers contextes, nous fondant sur nos données et sur celles de nos prédécesseurs (Clase 1976, Trujillo 1978). Utilisant des interviews et des tests perceptifs, nous montrerons aussi quelles distinctions phonémiques sont aisées à réaliser, lesquelles sont difficiles et lesquelles sont impossibles (par ex : /u/ et /o/ ainsi que /b/ et /g/ ne peuvent être différenciés).
Nous montrerons que le silbo gomero utilise des indices acoustiques extraits de la parole. Les principaux sont les suivants :
- les trajectoires de F2 qui sont des indices consonantiques et vocaliques
- le silence de la tenue des occlusives non voisées
- la chute d’intensité durant la tenue des occlusives voisées
- le bruit de friction des fricatives (irrégulièrement présent)
- les battements des consonnes battues
Le silbo gomero combine ces indices dans son encodage des phonèmes espagnols.
2) Quel F2 : F2 or F2’?
Si les trajectoires du F 2 sont aisément reconnaissables dans le silbo, par contre les hauteurs du F2 de la parole sont loin d’être précisément reproduites. On peut ainsi comparer chez un même locuteur les valeurs des voyelles sifflées avec celles des F2 et F3 des voyelles parlées :
Voyelles sifflées
i e a o u
2700 2300 1600 1400 1400
Voyelles parlées
F2 2300 2100 1400 950 600
F3 3000 2600 2000
De façon générale, les hauteurs des voyelles sifflées sont plus élevées que les F2 des voyelles parlées et les voyelles [o] et [u] se confondent dans le sifflement.
Ces différences par rapport au F2 peuvent s’expliquer, pour les voyelles non arrondies, par une reproduction non du F2 mais du F2’ (équivalent perceptif de l’ensemble F2, F3, éventuellement F4, cf. Carlson et Stevens 1999) et, pour les voyelles arrondies, par une contrainte liée à la tessiture du sifflement, dont la base se situe à 1200Hz chez ce locuteur et qui ne permet donc pas la reproduction de F2 trop graves. Cette contrainte est également responsable de la confusion de [o] et [u].
3) Des expériences perceptives grandeur nature :
Beaucoup d’expériences visant à déterminer des conditions de passage entre perception non phonétique et phonétique d’un même stimulus (“duplex perception”) utilisent des “formant like-pure tone glides” qui sont, en fait, des sifflements suivant des trajectoires formantiques (Bailey 1999, Best et al. 1981, Liberman 1995, entre autres ). Le silbo gomero fournit des conditions expérimentales extrêmes pour l’étude du basculement d’un mode de perception à l’autre.
Le silbo gomero confirme aussi les conclusions de nombreuses expériences, en particulier celles faites avec le “pattern playback” (système de synthèse de la parole), montrant l’importance des trajectoires de F2 pour l’identification des points d’articulation des consonnes (Delattre et al. 1954). Les conditions expérimentales se trouvent également maximisées dans les langages sifflés, dans la mesure où le F2 est seul présent (sans F1 ou F3).
4) Conclusion
Nous aboutirons à la conclusion que le code de ce langage sifflé est fondamentalement identique à celui du langage parlé mais avec une adaptation à un signal plus pauvre que celui de la parole.
Les
diphtongues brèves en anglais : dissension entre phonétique et phonologie?
G.N. Clements
CNRS, UPRESA 7018, Paris
Il y a des faits phoniques qui semblent se
situer à la frontière entre la
phonologie
et la phonétique et qui ne se laissent pas attribuer facilement à
l'une
ou à l'autre. A titre d'exemple,
considérons la question suivante :
est-ce
que la phonologie doit reconnaître l'existence des segments dits
"modulés",
c'est-à-dire, des segments simples contenant en eux-mêmes des
traits
sucessifs? De telles représentations,
souvent inspirées par le
traitement
des tons modulés (montants, descendants) en phonologie
autosegmentale,
ont été fréquemment proposées pour rendre compte de
phénomènes
variés tels que les occlusives mi-nasales, les affriquées ou les
diphtongues
brèves. Cependant, les arguments
étayant les segments modulés
sont
en général beaucoup moins solides que pour les tons modulés.
Ici
il sera question du statut des diphtongues brèves "centralisantes"
qui
ont
été observées par de nombreux auteurs dans des parlers anglais
d'Angleterre
et d'Amérique du Nord. Notre premier
but sera de démontrer
qu'elles
ne correspondent pas à des diphtongues phonologiques -- présentes
comme
telles dans les représentations phonologiques -- mais à des
diphtongues
phonétiques -- diphtongues présentes uniquement sur le plan
phonétique. Elles ne constitutent pas donc des segments
modulés
phonologiques. Nous démontrerons ensuite, sur la base d'une
analyse
acoustique
des productions de quatre locuteurs de l'anglais américain (GAE),
que
ce sont pourtant de véritables réalisations diphtonguées, et non le
résultat
méchanique de coarticulations avec des consonnes avoisinantes. Par
conséquent,
elles doivent être représentées comme telles dans la grammaire
de
l'anglais.
La
diphtongaison centralisante est donc intrinsèque à certaines voyelles
brèves
(celles de bit, bed, bad, bud, et éventuellement d'autres selon de
locuteur)
où elle peut représenter un retard dans la production du trait
[relâché],
comme l'a proposé Stevens (Acoustic Phonetics, MIT Press, 1999).
Le
trait [relâché], quoique ne jouant aucun rôle dans la phonologie de
l'anglais
moderne, fonctionne phonétiquement pour renforcer la distinction
de
surface entre voyelles brèves et longues, ces dernières (et surtout les
voyelles
moyennes /e: o:/) étant généralement réalisées comme des nuclei
syllabiques
"centrifuges", c'est-à-dire avec des mouvements vers la
périphérie
de l'espace vocalique, du moins lorsqu'ils sont accentués.
Ainsi,
la diphtongaison des voyelles brèves apparaît comme une stratégie de
réalisation
propre à certains locuteurs ou dialectes, dont la motivation
fonctionnelle
semble être le renforcement du contraste entre voyelle brève
et
voyelle longue en anglais, marqué de façon faible et peu fiable par les
indices
de durée. Le fait que tous les
locuteurs n'emploient pas cette
stratégie
confirme qu'elle n'est pas déterminée par des contraintes purement
mécaniques
de production de la parole, mais qu'elle appartient au système
grammaticale elle-même.
[1] Et éventuellement certains segments d’autres langues, comme le schwa du français, de l’hébreu ou du lushootseed.