Degré de cohérence : application aux franges d'Young

On considère une onde plane quasi-monochromatique de spectre $ F(\nu)=P(\nu-\nu_0)$ arrivant sous incidence normale sur un écran percé de deux trous quasi-ponctuels. La direction de propagation est notée $ z$ , le plan des trous est pris comme origine des $ z$ . La distance entre les trous est $ a$ , la distance entre le plan des trous et le plan d'observation est $ d\gg a$ (on suppose valable l'approximation de la diffraction à l'infini entre les plans $ z=0$ et $ z=d$ ). On cherche à calculer l'intensité en un point $ M$ de coordonnées $ (x,y)$ dans le plan $ z=d$ . Le schéma est le suivant :

\includegraphics[width=10cm]{eps/ctemp_young.eps}


Intensité produite par une tranche $ [\nu ,\nu +d\nu ]$

$\textstyle \parbox{10cm}{On considère un intervalle élémentaire de fréquences d...
...nces en utilisant le formalisme de la diffraction de Fraunhöffer.\\ \vskip 5mm}$ \includegraphics{eps/ctemp_spectre2.eps}

Avec $ \tau=\frac{a x}{c d}$ , cette variable possède la dimension d'un temps. Il s'agit du temps de retard entre les deux ondes interférant en $ M$ (différence de marche parcourue à la vitesse de la lumière). L'intensité $ dI$ est celle d'une figure de franges d'Young de constraste 1 et d'interfrange $ i=\frac{\lambda d}a$ . C'est la situation habituelle dans le cas monochromatique.

Intensité totale dans toutes les longueurs d'onde

Fig. 3.3: Franges d'Young pour trois longueurs d'onde $ \lambda _1<\lambda _2<\lambda _3$ . L'interfrange, proportionnel à la longueur d'onde, est différent pour les trois sytèmes de franges. En éclairage polychromatique, les 3 systèmes de franges s'ajoutent (en intensité) et donnent une figure complexe présentant une frange brillante au milieu (différence de marche nulle). Les graphes du bas représentent l'aspect visuel des franges dans ce cas (couleurs) et le graphe de l'intensité totale (en trait plein).
\includegraphics{eps/colyoung.eps}

Chaque fréquence (ou chaque longueur d'onde) produit un système de franges d'Young avec un interfrange dépendant de la longueur d'onde comme illustré par la figure 3.3. Puisque des ondes de fréquences différentes dont incohérentes entre elles, ces franges d'Young s'ajoutent en intensité. La frange centrale (correspondant à $ x=0$ ) est brillante quelle que soit $ \lambda $ , on aura donc toujours une frange brillante au centre.

Le calcul de l'intensité se fait en intégrant $ dI$ sur la fréquence. Il vient :

$\displaystyle I=\frac{2}{\lambda^2 d^2}\: \int_{-\infty}^\infty dI_0\: \left( 1...
...2}\: \int_{-\infty}^\infty F(\nu)\: \left( 1+\cos(2\pi \tau \nu)\right)\: d\nu
$

Le spectre de la lumière, $ F(\nu)$ est une fonction réelle, on peut écrire

$\displaystyle I=\frac{2}{\lambda^2 d^2}\: \left[\int_{-\infty}^\infty F(\nu)\:d...
...left\{\int_{-\infty}^\infty F(\nu) e^{-2i \pi \tau \nu}\: d\nu\right\}
\right]
$

Il apparait la transformée de Fourier $ \hat F(\tau)$ du spectre. En introduisant la fonction profil par la relation $ F(\nu)=P(\nu-\nu_0)$ , et en utilisant la propriété $ \int_{-\infty}^\infty f(x) dx=\hat f(0)$ il vient

$\displaystyle I=\frac{2}{\lambda^2 d^2}\:\left[\hat P(0) +{\Re}\mbox{e}\;\left\{\hat P(\tau) e^{-2 i \pi \tau \nu_0}\right\}\right]
$

$ \hat P(\tau)$ est la TF du profil de raie, quantité a priori complexe sauf si $ P(\nu)$ est symétrique (cas des Lorentziennes ou des gaussiennes). Nous poserons $ \hat P(\tau)=\vert\hat P(\tau)\vert \exp(i\phi(\tau))$ . L'intensité s'écrit alors, toujours en fonction de la variable $ \tau $ :

$\displaystyle I=\frac{2 \hat P(0)}{\lambda^2 d^2}\:\left[1 +\frac{\vert\hat P(\tau)\vert}{\hat P(0)} \cos(2 \pi \nu_0\tau-\phi(\tau))\right]
$

On peut dégager trois termes : Voici l'aspect du champ d'interférences tel qu'il serait observé par l'oeil :

\epsfbox {eps/coh_temp_franges_young.eps}
 


Degré de cohérence

Fig. 3.4: Ce schéma illustre comment deux portions de l'onde incidente situées sur deux fronts d'ondes $ A$ et $ B$ interfèrent en $ M$ . Le front d'onde $ A$ est en retard d'une quantité $ \tau $ sur $ B$ avant le plan des trous. Ce retard est rattrapé ensuite à cause de la différence de marche. Faire une expérience de trous d'Young revient à faire interférer deux fronts d'onde de l'onde incidente, décalés temporellement de $ \tau $ . Le décalage temporel est ajustable car il est proportionnel à $ x$ . Plus $ x$ est grand, plus le retard est important.
\includegraphics{eps/ctemp_youngdeg.eps}

L'expérience des trous d'Young réalise l'interférence de deux ondes planes décalées temporellement de $ \tau $ . Ces 2 ondes planes ayant été prélevées par les trous sur l'onde incidente, tout se passe comme si l'on faisait interférer deux fronts d'ondes incidents décalés temporellement de $ \tau $ , comme schématisé sur la figure 3.4. On appelle degré complexe de cohérence la quantité

$\displaystyle \mbox{\fbox{$\displaystyle \gamma(\tau)=\frac{\hat P(\tau)}{\hat P(0)}$}}$ (3.2)

C'est un nombre complexe dont le module est compris entre 0 et 1 (c'est le contraste des franges). Si $ \gamma(\tau)=0$ il n'y a pas d'interférences. Les ondes qui interfèrent en $ M$ sont incohérentes entre elles. $ \gamma(\tau)$ mesure la cohérence mutuelle de deux fronts d'onde séparés temporellement de $ \tau $ .

Exemple 1 : franges en lumière parfaitement monochromatique

Le profil de raie s'écrit dans ce cas $ P(\nu)=I_0\delta(\nu)$ . L'intensité, en fonction de $ \tau $ , est

$\displaystyle I=\frac{2 I_0}{\lambda^2 d^2}\:\left[1 + \cos(2 \pi \nu_0\tau)\right]
$

soit, en fonction de $ x$ (changement de variable $ \tau=\frac{a x}{c d}$ )

$\displaystyle I(x)=\frac{2 I_0}{\lambda^2 d^2}\:\left[1 + \cos\left(2\pi \frac{ax}{\lambda d}\right)\right]
$

et l'on retrouve l'expression bien connue des franges de contraste 1 et d'interfrange $ \frac{\lambda d}{a}$

Exemple 2 : une raie gaussienne

Le profil de raie s'écrit $ P(\nu)=\exp(-\pi\frac{\nu^2}{(\delta\nu)^2})$ , $ \delta\nu$ est la largeur de la raie. Sa TF s'écrit

$\displaystyle \hat P(\tau)=\delta\nu \: \exp(-\pi \tau^2 \delta\nu^2)
$

Elle est réelle, la fonction contraste $ C(\tau)$ également. L'intensité s'écrit, en fonction de $ \tau $ :

$\displaystyle I=\frac{2 I_0\delta\nu}{\lambda^2 d^2}\:\left[1 + \exp(-\pi \tau^2 \delta\nu^2)\: \cos(2 \pi \nu_0\tau)\right]
$

et en fonction de $ x$ :

$\displaystyle I(x)=\frac{2 I_0\delta\nu}{\lambda^2 d^2}\:\left[1 + \exp\left(-\...
...lta\nu}{cd}\right)^2\right)\cos\left(2\pi \frac{ax}{\lambda_0 d}\right)\right]
$

avec $ \lambda_0=\frac{c}{\nu_0}$ la longueur d'onde centrale de la vibration. Le graphe de l'intensité est représenté en figure 3.5. Les franges sont présentes à l'intérieur d'une enveloppe définie par les courbes $ K (1+C(\tau))$ et $ K(1-C(\tau))$ (avec $ K=\frac{2 I_0\delta\nu}{\lambda^2 d^2}$ ). Cette enveloppe a une largeur inversement propotionnelle à $ \delta\nu$ . Au delà de la zône centrale, le contraste des franges diminue rapidement et l'on observe une teinte uniforme.

Fig. 3.5: Franges d'Young dans le cas où l'éclairage se fait avec un profil de raie gaussien (largeur $ \delta \nu =\frac {\nu _0}{10}$ ). En haut, graphe de l'intensité exprimé en fonction de la position $ x$ dans le champ d'interférences, ou du retard $ \tau $ entre les deux ondes ($ x$ et $ \tau $ étant proportionnels, le graphe est le même). Au mileu : aspect visuel des interférences (représenté en noir et blanc). En bas : le cas monochromatique ( $ \delta \nu =0$ ) pour comparaison.
\includegraphics[width=14cm]{eps/ctemp_frange_raiegauss.eps}

Exemple 3 : deux raies monochromatiques

On considère cette fois la superposition de deux vibrations de fréquences très proches $ \nu_1=\nu_0+\frac{\delta\nu}{2}$ et $ \nu_2=\nu_0+\frac{\delta\nu}{2}$ (avec $ \delta\nu\ll\nu_0$ ). On fait l'hypothèse que les intensités associées à ces ondes sont identiques (le profil est alors symétrique autour de la fréquence centrale $ \nu _0$ ). Le profil de raie s'écrit $ P(\nu)=I_0\delta(\nu-\frac{\delta\nu}{2})+I_0\delta(\nu+\frac{\delta\nu}{2})$ .

La TF du profil s'écrit $ \hat P(\tau)=2\cos(\pi\delta\nu \tau)$ . C'est à nouveau une fonction réelle et paire. L'intensité des franges s'écrit alors (en fonction de $ \tau $ ) :

$\displaystyle I=\frac{2 I_0}{\lambda^2 d^2}\:\left[1 + \cos(\pi \delta\nu \tau)\: \cos(2 \pi \nu_0\tau)\right]
$

Le graphe de l'intensité est représenté en figure 3.6. Cette fois les franges ne disparaissent pas lorsque $ \tau\rightarrow\infty$ comme dans le cas précédent. Mais on a un terme d'enveloppe $ \cos(\pi\delta\nu \tau)$ qui définit des ``paquets'' de franges. Ces paquets sont de largeur proportionnelle $ 1/\delta\nu$ , ils dépendent de la différence des fréquences des deux ondes (ce phénomène est analogue aux battements que l'on peut entendre entre deux ondes sonores de fréquences voisines). Entre deux paquets successifs, le contraste s'annule (disparition des franges), puis s'inverse (signe - du terme $ \cos(\pi\delta\nu \tau)$ ). Ce phénomène d'inversion de contraste est caractérisé par une inversion des franges brillantes et des franges sombres.

Fig. 3.6: Franges d'Young dans le cas où l'éclairage se fait avec une raie double ( $ \delta \nu =\frac {\nu _0}{6}$ ). En haut, graphe de l'intensité exprimé en fonction du retard $ \tau $ entre les deux ondes. Au mileu : aspect visuel des interférences. En bas : le cas monochromatique ( $ \delta \nu =0$ ) pour comparaison. Entre deux paquets de franges le contraste s'inverse (les franges brillantes deviennent sombres et vice-versa)
\includegraphics[width=14cm]{eps/ctemp_frange_raiedbl.eps}