Licence de Physique -- Devoir d'optique

Coronographie, Nulling et toute cette sorte de choses

Pour le 23 Mai 2003 -- Travail en petits groupes de 2 à 4 personnes

Une des préoccupations des astronomes de ce début du XXIe siècle est la détection et l'étude des planètes extra-solaires. Une centaine ont été observées à ce jour par des méthodes indirectes depuis la détection de la toute première, 51 Peg, par l'équipe de Michel Mayor en 1995. L'enjeu est maintenant la détection directe de ces exoplanètes par imagerie optique. L'obstacle principal à surmonter est l'extrème différence d'éclat entre l'étoile et sa planète-compagnon. Dans le visible, le rapport d'intensité est d'un milliard ; il est un peu plus favorable dans l'infrarouge ($10^6$) mais encore hors de portée des techniques actuelles... ou en tout cas d'il y a quelques années puisqu'un nouveau champ de recherches dans l'imagerie à très haute dynamique est apparu il y a peu. L'idée centrale de ces techniques est d'éteindre la lumière provenant de l'étoile pour faire ressortir celle de la planète. Les solutions techniques s'orientent vers deux voies : le nulling, ou extinction par interférence destructice, et la coronographie basée sur une occulation par des masques adaptés. L'objectif de ce problème est de faire une étude de principe de l'un de ces instruments, le ``Coronographe Interférentiel Achromatique'', développé à l'observatoire de la Côte d'Azur par l'équipe de Jean Gay.


Déphasage de $\pi$ et passage au foyer

On considère l'interféromètre de Michelson de la figure ci-dessous. La lumière incidente est séparée en deux moitiés égales par la lame séparatrice (Sp). Une partie de la lumière (onde 1) est réfléchie par le miroir plan $M_2$ et atteint le plan d'observation (E). L'autre partie de la lumière (onde 2) se réfléchit sur le miroir $M_1$. On appelle $O$ le point milieu de la séparatrice, $A_1$ et $A_2$ les points milieux des miroirs $M_1$ et $M_2$, et $B$ le point d'origine des coordonnées sur l'écran $E$. On pose $d'=OA_1=OA_2$, $D=OB$.
\epsfbox{michelson1.eps}

On intercale entre $Sp$ et $M_1$ une lentille convergente $L_1$ de focale $f$. Cette lentille est placée à une distance $\Delta$ de $M_1$. On éclaire l'ensemble par une onde plane monochromatique de longueur d'onde $\lambda$ provenant de la gauche de la figure et se propageant dans le sens des $x>0$. On se place dans les conditions de l'otique paraxiale et on négligera les effets de diffraction par les bords des mitoirs et de la lentille (ce qui revient à considérer ceux-ci comme infinis).

  1. Montrer que l'onde 2, après son double passage par la lentille, est sphérique et calculer la position de son centre $S$. Quelle doit ètre la valeur de $f$ pour que $S$ soit situé entre $O$ et $B$ ?
  2. On suppose cette dernière condition réalisée, et on modifie $D$ pour avoir $OB<OS$. Le plan $E$ se trouve ainsi avant le passage de l'onde 2 au foyer. Ecrire l'interférence entre les ondes 1 et 2, tracer le graphe de l'intensité dans le plan $E$ et préciser sa valeur en $B$. Cette valeur dépend-elle de la position de $E$ (du moment qu'on reste dans la condition $OB<OS$) ? Le centre de la figure est-il brillant ou noir ?
  3. Mêmes questions dans le cas où $OB>OS$ (le plan $E$ se trouve après le passage au foyer). Quelle est alors la ``signature'' du déphasage de $\pi$ de l'amplitude complexe lors du passage en $S$ ?
  4. Sachant que le pouvoir de résolution de l'oeil est de l'ordre de la minute d'arc et que la distance minimum de mise au point est de l'ordre de 15 cm (un peu moins chez les jeunes), discuter l'observabilité du phénomène dans le cadre d'une expérience classique sur banc optique, par exemple pour des TP d'étudiants (on dipose d'un laser émettant autour de $\lambda=0.6\mu$m, à vous de proposer la focale de la lentille... cette focale doit ètre inférieure au diamètre de la Terre).
  5. On choisit maintenant une lentille convergente de focale $f<d'$ et on réalise $\Delta=f$. Que se passe-t'il ? Quelle est l'intensité dans le plan $E$ si l'on réalise l'égalité parfaite des chemins optiques $OA_1$ et $OA_2$ (et si on compense le déphasage global dû à la présence de la lentille, par une lame compensatrice de même épaisseur par exemple) ?

Incidence normale et extinction

On reprend le montage précédent mais on enlève la lentille $L_1$ et on égalise les chemins optiques entre les deux bras de l'interféromètre.
  1. L'onde incidente fait maintenant avec l'axe $Ox$ un angle faible $\theta$. Faire un schéma propre de ce qui se passe et décrire la figure (intensité) observée sur l'écran $E$.
  2. La lumière incidente est composée de deux ondes planes incohérentes entre elles de même longueur d'onde $\lambda$, l'une d'amplitude $\psi_0$ et d'incidence normale, l'autre d'amplitude $\epsilon\psi_0$ (avec $\epsilon\ll 1$) et d'incidence faible $\theta$ avec l'axe $Ox$. Calculer l'intensité sur l'écran $E$, donner le contraste de la figure.
  3. On modifie très légèrement le montage : une lentille convergente $L_2$ de focale $\phi$ est intercalée sur le trajet $OB$ de telle sorte que le plan $E$ soit au foyer de cette lentille. On suppose pour l'instant que les dimensions transversales de cette lentille sont infinies (en d'autres termes celà revient à n'égliger les effets de bord). Décrire la figure (intensité) observée sur l'écran $E$.
  4. On place à nouveau la lentille $L_1$, on réalise $\Delta=f$ et on égalise les chemins optiques (y compris la compensation du déphasage dû à la lentille). Reprendre les 3 questions précédentes avec cette configuration. Montrer que l'interposition de la lentille $L_1$ a permi d'éteindre complètement l'onde se propageant parralèlement à l'axe optique.
  5. On fait maintenant varier l'angle $\theta$. Quelle est, en fonction de $\theta$, la position et l'amplitude des pics observés sur l'écran $E$ ?

Une version simplifiée du CIA

On appelle ``nulleur'' l'ensemble constitué par l'interféromètre de Michelson et la lentille $L_1$. On suppose que ce nulleur est bien réglé (égalisation des chemins optiques et compensation du déphasage dû à $L_1$). On désire s'en servir pour détecter des exoplanètes et on réalise alors le montage ci-dessous :
\epsfbox{cia.eps}

La lumière provenant des objets célestes est interceptée par un télescope modélisé par une lentille convergente de diamètre $b$ et de focale $F$. L'image se forme au plan focal $P_0$. Une seconde lentille dite ``collimatrice'', de diamètre $a$ et de focale $\phi$ (identique à $L_2$) est placée de façon à ce que son plan focal objet coïncide avec $P_0$. La lumière passe à travers le nulleur où elle est séparée en deux parties déphasées mutuellement de $\pi$ avant de traverser la lentille $L_2$ (identique à la collimatrice). On observe sur l'écran $E$ au plan focal image de $L_2$. On prendra pour les applications numériques un télescope de diamètre 8 m, une focale de 120 m (caractéristiques du VLT, foyer Nasmyth), un diamètre de lentille $a=5$ cm et une langueur d'onde $\lambda=2.2\, \mu$m (infrarouge, bande K).

Image dans le plan $P_0$

  1. Le télescope observe une étoile supposée à l'infini. L'onde est plane et sous incidence normale en arrivant sur le télescope, on observe à la longueur d'onde $\lambda$. Décrire l'image (intensité) $I(x,y)$ dans le plan $P_0$. Tracer en échelle logarithmique le graphe de $I(x,0)$ et donner les rapports des maxima secondaires au maximum principal.
  2. Une planète se trouve à côté de l'étoile. L'onde plane arrive sur le télescope avec un faible angle d'incidence $\theta$. Le rapport des amplitudes planète/étoile est $\epsilon$. Les deux ondes sont incohérentes entre elles, la situation est identique à celle de la question 2-2. Décrire l'image (intensité) dans le plan $P_0$ dans le cas où les deux images produites par l'étoile et sa planète sont bien séparées. Tracez l'intensité en échelle logarithmique pour $\epsilon=0.1$.
  3. On suppose que la planète est détectable si l'intensité maximale qu'elle produit dans l'image est supérieure ou égale à l'intensité du premier maximum secondaire de la tache d'Airy correspondant à l'image de l'étoile. Quel est alors le plus grand rapport d'intensité détectable entre la planète et son compagnon ? Un rapport de $10^6$ vous semble-il détectable ?

Image après le nulleur

  1. L'étoile est seule, la situation est identique à celle de la question 3.1-1. Décrire l'onde à la sortie de la collimatrice. Cette collimatrice étant de diamètre $a$, quelle doit ètre la valeur maximum de sa focale $\phi$ pour qu'elle ne diaphragme pas l'onde lumineuse incidente ? Que vaut l'intensité dans le plan $E$.
  2. Que vaut l'intesité dans le plan $E$ dans le cas où la planète est seule ?
  3. Ecrire l'intensité totale observée dans le plan $E$ lorsque le télescope observe l'ensemble planète+étoile. Discuter le potentiel de ce dispositif pour détecter des exoplanètes.
  4. En utilisant le critère de Rayleigh, donner l'angle $\theta$ minimal détectable. Faites l'application numérique avec les valeurs proposées plus haut et discuter l'observabilité des planètes de 51 Peg (vous chercherez les données dans la littérature).
  5. On cherche maintenant à étudier l'effet d'un mauvais centrage de l'étoile sur l'axe optique (une erreur de guidage par exemple). L'onde provenant de l'étoile arrive ainsi avec un angle d'incidence $\alpha$ faible, l'incidence de l'onde provenant de la planète étant $\alpha+\theta$. Que se passe-t'il ? Ecrire l'intensité dans le plan $E$. Quel est le décentrage $\alpha$ maximum acceptable pour qu'on puisse encore détecter une planète $10^6$ fois plus faible que l'étoile (rapport des intensités) ?