Observation de couleurs

On s'intéresse à nouveau à l'expérience des trous d'Young du paragraphe précédent. L'intensité produite par une bande de féquences élémentaires $ [\nu ,\nu +d\nu ]$ est donnée par l'équation 3.1. (on a omis la constante multiplicative, carré de la surface des trous, qui redonne la ''bonne'' dimension à l'intensité)

$\displaystyle dI(x,\nu)=\frac{2}{\lambda^2d^2}\, F(\nu)\; d\nu \; \left(1+\cos \left(2\pi\nu \frac{a x}{c D}\right)\right)$ (3.5)

qui est une fonction de $ x$ et de $ \nu$ et qui peut s'interpréter comme le spectre local de la lumière au point $ x$ . C'est un spectre en cosinus carré qui présente des creux (fréquences pour lesquelles l'interférence est destructrice) et des bosses (fréquences pour lesquelles l'interférence est constructive). Pour cette raison on parle de spectre cannelé. Par changement de variable $ \nu=c/\lambda$ on obtient une expression équivalente $ dI(x,\lambda )$ en fonction de la longueur d'onde. Le graphe bidimensionnel de cette fonction, en supposant $ F(\nu)$ constant, est représenté en figure 3.9.

Fig. 3.9: A gauche, représentation en niveaux de gris de la fonction $ dI(x,\lambda )$ donnée par l'équation 3.5. Il s'agit de l'intensité des franges d'Young en fonction des deux variables $ \lambda $ (en abcisse) et $ x$ (en ordonnée). A droite trois courbes $ dI(x,\lambda )$ en fonction de $ \lambda $ pour 3 valeurs différentes de $ x$ (spectre local cannelé). Pour $ x=0$ la fonction $ dI(0,\lambda )$ est constante.
\includegraphics[width=15cm]{eps/spec_cann_2d.eps}

On remarque que pour $ x=0$ (centre du champ d'interférences) le spectre local est identique à celui de la lumière incidente $ F(\nu)$ . C'est pour celà qu'on observera toujours une frange centrale de même couleur que la lumière incidente (frange blanche pour une lampe blanche).

L'oeil est sensible aux longueurs d'onde comprises grosso-modo dans l'intervalle [0.35 $ \mu$ m, 0.7 $ \mu$ m] ; en réalité le plan focal de l'oeil est tapissé de cellulles sensibles aux couleurs (les cônes) qui sont ``spécialisées'' en trois types. Il y a les cônes sensibles au rouge (domaine de sensibilité approximatif [0.6 - 0.7] $ \mu$ m), les cônes sensibles au vert ([0.5 - 0.6] $ \mu$ m) et les cônes sensibles au bleu ([0.35 - 0.5] $ \mu$ m). Chacune de ces cellules, éclairée par la lumière de spectre $ dI(x,\lambda )$ réalise une intégrale sur son domaine de sensibilité spectrale. L'oeil fournit ainsi trois nombres : $ B$ , $ V$ et $ R$ que le cerveau traduit ensuite en une teinte (``mauve'', ``acajou'', ``fushia'', ...). Le processus est illustré par la figure 3.10.

Fig. 3.10: Spectre cannelé observé en un point du champ d'interférences. Les parties hachurées représentent les domaines de longueurs d'onde auquelles les cônes rouge, vert et bleu sont sensibles. La teine perçue par l'oeil dans ce cas est du cyan (couleur complémentaire du rouge : les radiations rouges sont presques éteintes).
\includegraphics[width=12cm]{eps/spec_cannele.eps}

Dans l'expérience d'Young, chaque point du champ d'interférences est associé à un spectre différent : chaque point du champ d'interférences apparait donc avec une teinte différente (voir figure 3.11). En lumière blanche, le champ d'interférences décrit l'échelle des teintes de Newton. La frange centrale est toujours blanche (ordre zéro, interférence constructive quelle que soit la fréquence), alors que loin du centre (grande différence de marche) le spectre présente beaucoup de cannelures et les 3 intégrales tendent à ètre toutes trois égales à la moyenne d'un cosinus carré (0.5) : on observe une teinte grise appelée ``blanc d'ordre supérieur'' (l'ordre d'interférence est le rapport $ \delta/\lambda$ ). Cette zône de blanc d'ordre supérieur coincide avec la zone dans laquelle le contraste des franges est très faible.

Fig. 3.11: Franges d'Young en lumière blanche. Autour de la frange blanche, on observe un dégradé de couleurs formant l'échelle des teintes de Newton
\includegraphics[width=12cm]{eps/newton.eps}