Licence de Physique -- Devoir d'optique

Aberrations optiques

Pour le 26 Avril (Ste Alida)


Ce devoir vous paraitra peut-ètre difficile ; il vous permet de confronter vos connaissances à un problème réel (que vous pourriez rencontrer en travaillant dans un laboratoire d'optique par exemple, ou sur des systèmes d'optique adaptative en astronomie). Travaillez en physiciens : ce n'est pas un exercice de calcul.Interprétez et commentez vos résultats, utilisez si vous le souhaitez l'outil informatique pour faire les graphes, etc... il vaut mieux faire moins de choses, mais les faire bien ! Nous vous conseillons de travailler en petits groupes (4 maximum). Vous êtes libre de chercher des informations complémentaires (fonctions de Bessel par exemple) partout où vous voulez.


1. Aberrations et optique géométrique

  1. Soit une onde d'amplitude complexe $A\; \exp i[\phi(x,y,z)-\omega t]$. Par un développement limité, montrer que cette onde peut généralement ètre considérée comme localement plane autour de tout point de coordonnées $(x_0, y_0, z_0)$. Ecrire le vecteur d'onde local en fonction de $\phi(x_0,y_0,z_0)$. Citer des exemples où une telle approximation n'est pas possible.
  2. Soit une lentille mince convergente de focale $F$ dans le vide, éclairée par une onde plane de longueur d'onde $\lambda$. Ecrire dans l'approximation de Gauss l'équation des rayons lumineux dans la sortie de la lentille (un rayon lumineux issu d'un point $M$ est une droite colinéaire au vecteur d'onde local en $M$). Montrer que les rayons se croisent dans le plan focal image de la lentille.
  3. On suppose maintenant que la lentille est asymétrique (défaut de fabrication par exemple) ; dans la direction $x$ elle produit sur l'onde émergente un défaut de phase en $-a x^3$. On travaille dans le plan $y=0$.
    1. Etablir l'équation des rayons à la sortie de la lentille
    2. Montrer que par un point $M$ il passe 0 ou 2 rayons suivant que $M$ est d'un côté ou de l'autre d'une courbe appelée caustique dont on déterminera l'équation près du foyer.
    3. En un point $M$ du côté éclairé de la caustique, montrer l'existence de franges d'interférences dont on calculera l'interfrange.


2. Un début de traitement ondulatoire des aberrations

\epsfbox{lent_imparf.eps}
  1. Soit une onde plane de vecteur d'onde $\vec k$ éclairant sous incidence normale une lentille convergente imparfaite de coefficient de transmission $t(x,y)=\exp ik\Theta(x,y)$. Montrer l'équivalence de ce problème avec celui d'une onde non plane d'amplitude $\exp ik\phi(x,y)$ traversant une lentille convergente parfaite de focale $f$ (phase quadratique en $x$ et $y$). Ecrire la relation entre $\phi(x,y)$ et $\Theta(x,y)$. Que se passe-t'il au foyer quand $\phi=Cte$ ? Peut-on dire à votre avis qu'il y a des aberrations dans ce cas ?
  2. Ecrire $\Theta(x,y)$ (sans approximation) dans le cas d'une lentille plan convexe d'indice $n$, de rayon de courbure $R$, de focale $f$ et de diamètre transversal $2a$. En déduire $\phi(x,y)$ dans l'approximation au plus bas ordre non constant en $x$ et $y$ et faire le graphe de $\phi(x,y)$. Quelle est la signification physique de cette fonction $\phi(x,y)$ ?
  3. On suppose que la lentille (supposée parfaitement mince pour cette question : phase quadratique en $x$ et $y$) est limitée spatialement par un diaphragme de diamètre $2a$. Ecrire l'amplitude au foyer de la lentille, préciser les dimensions transversales de cette distribution d'amplitude.
  4. Défaut de mise au point : On suppose que $\phi(x,y)=\epsilon (x^2+y^2)$. Quelle est la nature d'une telle onde ? Ecrire l'amplitude au foyer et comparer au cas $\phi=Cte$. Montrer que l'onde converge en réalité dans un plan qui n'est pas le plan focal de la lentille et commenter le titre donné à ce parapgraphe.
  5. Aberration sphérique : Reprendre l'expression de $\phi(x,y)$ de la question 2. A quelles conditions a-t'on $\phi(x,y)\ll 1$ dans le disque de diamètre $2a$ qui limite la lentille ? En approximant $e^{i\phi}\simeq 1+i\phi$, calculer l'amplitude au foyer. Quelles différences par rapport au cas $\phi=Cte$ ? Même question pour l'intensité (un graphe de l'intensité serait bienvenu à l'appui de la discussion).

  6.  

     


3. Les modes de Zernike

3.1 Quelques définitions

La méthode traditionnellement utilisée pour traiter les aberrations en optique ondulatoire consiste à développer la phase $\phi(x,y)$ de l'onde sur une base de polynômes orthogonaux appelés modes de Zernike. Ces modes sont définis en coordonnées polaires sur un cercle de rayon unité et sont ainsi adaptés à l'étude des fronts d'onde éclairant des optiques (lentilles, diaphragmes) présentant la symétrie de révolution.

Ces modes sont définis par les relations :

\begin{displaymath}Z_{n,\mbox{\scriptsize pair}}^m (r,\theta)=\sqrt{n+1}\; R_n^m (r)\; \sqrt{2} \cos(m\theta)\end{displaymath}

 
 
\begin{displaymath}Z_{n,\mbox{\scriptsize impair}}^m (r,\theta)=\sqrt{n+1}\; R_n^m (r)\; \sqrt{2} \sin(m\theta)\end{displaymath}


Il y a ainsi deux modes pour un couple $(m,n)$ donné. Dans le cas où $m=0$
 
 

\begin{displaymath}Z_n^0(r,\theta)=\sqrt{n+1}\; R_n^m (r)\end{displaymath}

Les fonctions $R_n^m (r)$ sont les polynômes de Zernike, définis pour $r\le 1$ et s'écrivent
 
 

\begin{displaymath}R_n^m (r) \; = \; \sum_{s=0}^{(n-m)/2} \frac{(-1)^s (n-s)!}{......+m}{2}-s\right)! \:\left(\frac{n-m}{2}-s\right)! } \; r^{n-2s}\end{displaymath}

avec $0\le m\le n$ et $n-m$ pair. Pour simplifier la manipulation de cette écriture un peu lourde, les opticiens ont l'habitude d'une numérotation à un seul indice $j$ qui marche de la façon suivante : $Z_1=Z_0^0$$Z_2=Z_{1,\mbox{\scriptsize pair}}^1$$Z_3=Z_{1,\mbox{\scriptsize impair}}^1$$Z_4=Z_2^0$, etc...la parité de l'indice $j$ est celle de la dépendance en $\theta$.

Voici un tableau résumant les 10 premiers modes de Zernike (plus d'informations se trouvent sur le web, par exemple à l'adresse http://www.ctio.noao.edu/$\sim$atokovin/tutorial/index.html

n m$\rightarrow$      
$\downarrow$ 0 1 2 3
0 $Z_1=1$      
1   $Z_2=2 r \cos\theta$    
1   $Z_3=2 r \sin\theta$    
2 $Z_4= \sqrt{3} (2 r^2-1)$   $Z_5=\sqrt{6} r^2 \sin 2\theta$  
2     $Z_6=\sqrt{6} r^2 \cos 2\theta$  
3   $Z_7= \sqrt{8} (3 r^3-2 r) \sin\theta$   $Z_9=\sqrt{8} r^3 \sin 3\theta$
3   $Z_8= \sqrt{8} (3 r^3-2 r) \cos\theta$   $Z_{10}=\sqrt{8} r^3 \cos 3\theta$
Ces modes forment une base orthonormée de fonctions par rapport au produit scalaire suivant :
\begin{displaymath}< Z_i , Z_j >\; = \; \int\!\!\!\int_{\mbox{\scriptsize Disqu......}{\pi} \; Z_i(r,\theta)\: Z_j(r,\theta)\; d^2r \; =\delta_{ij}\end{displaymath}


toute fonction $f(r,\theta)$ définie sur le disque de rayon unité se décompose sur cette base de la façon suivante :

\begin{displaymath}f(r,\theta)=\sum_{j=1}^\infty a_j Z_j(r,\theta)\end{displaymath}


avec $a_j=<f , Z_j>$. L'intérèt de cette base de fonctions est la séparation des aberrations. Par exemple le terme $Z_{11}$ est l'aberration sphérique (en effet, une lentille parfaitement stigmatique produit, en éclairage par une onde plane, des ondes dont les fronts d'onde sont paraboliques et non sphériques), alors que $Z_7$ et $Z_8$ décrivent la coma (défaut observé en éclairage très incliné).

Les transformées de Fourier bidimensionnelles des modes de Zernike sont données par :

\begin{displaymath}\left.\begin{array}{l}Q_{j, pair}\\Q_{j, impair}\\Q_{j......i\\(-1)^{\frac{n}{2}}\;\;\mbox{si m=0}\end{array}\;\right.\end{displaymath}


les fonctions $J_n(k)$ étant les fonctions de Bessel d'ordre $n$.


3.2 A vous maintenant !

  1. Montrer l'orthogonalité (l'orthonormalité n'est pas demandée) des modes non radiaux ($m\ne 0$)
  2. Une onde $\Sigma$ d'amplitude complexe $A\; \exp ik Z_j(r,\theta)$ éclaire une lentille mince de diamètre transversal $2a=2$. Ecrire et commenter l'intensité au foyer dans les cas suivants :
    1. $j=1$ (terme dit ``de piston'')
    2. $j=2$ et $j=3$ (termes de ``tip-tilt'')
    3. $j=4$ (termes de ``défocalisation'') et comparer à la question 4 du paragraphe 2.
  3. Même question si l'amplitude complexe sur la pupille s'écrit$A \; e^{ik a_j Z_j(r)}$ quel que soit $j$, mais en supposant $a_j\ll 1$.
  4. L'amplitude complexe de l'onde $\Sigma$ s'écrit maintenant $A\; \exp ik (1+\epsilon r^3)$ avec $\epsilon\ll 1$. Montrer que la décomposition de la phase de $\Sigma$ sur les modes de Zernike ne fait apparaitre que les termes radiaux ($m=0$). Ecrire les premiers termes du développement (jusqu'à $Z_4$) et en déduire l'intensité au foyer dans cette approximation. Pousser le développement jusqu'au terme suivant et calculer l'intensité au foyer. Dégagez l'influence sur l'image du dernier terme de Zernike calculé (là encore, il est recommandé de produire un graphe de l'intensité).
  5. Reprendre l'expression de $\Theta(x,y)$ et de $\phi(x,y)$ correspondant à la phase introduite par la traversée de la lentille plan-convexe de la question 2 du §2 (l'éclairage est toujours supposé sous incidence normale) On posera $a=1$. Montrer que la décomposition de $\phi(x,y)$ sur les modes de Zernike ne fait apparaitre que les termes radiaux ($m=0$). Ecrire les premiers termes du développement (jusqu'à $Z_4$) et en déduire l'intensité au foyer dans cette approximation.
  6. La lentille est légèrement astigmatique : les rayons de courbure sont $R$ dans la direction $x$ et $R+\epsilon$ dans la direction $y$, avec $\epsilon\ll 1$. L'éclairage est toujours sous incidence normale.
    1. Faire le développement sur les modes de Zernike jusqu'à $j=6$ (les modes 5 et 6 correspondent à l'astigmatisme).
    2. Ecrire les composantes du vecteur d'onde local à la sortie de la lentille
    3. Etablir l'équation des rayons à la sortie dans les plans $xOz$ et $yOz$
    4. Faire un tracé des rayons dans chacun des plans. Que pensez-vous de la focale de cette lentille ?
    5. A quelle condition les termes d'aberration (termes non constants de $\phi(x,y)$) sont-ils faibles ? Dans cette approximation, calculer l'intensité au foyer (on s'arrète au terme $j=6$ du développement de Zernike de $\phi$). Si possible, faites un graphe permettant la mise en évidence du phénomène d'astigmatisme et commentez (comparer par exemple à l'image produite par une lentille non astigmatique en faisant tendre $\epsilon$ vers 0). Comparez à l'analyse géométrique de la question précédente.


4. Optique adaptative

L'optique adaptative s'est développée dans la deuxième moitié du XXe siècle, sur des motivations astrophysiques : les télescopes butaient depuis le XVIIIe siècle sur les déformations infligées aux images par la turbulence atmosphérique. Des systèmes de correction en temps réel sont désormais disponibles et sont basés sur une analyse en temps réel du front d'onde perturbé couplée à un réseau de petits pistons agissant sur un miroir souple pour rattraper les différences de marche induites par la turbulence. Lors de l'anayse, la phase $\phi(\vec r)$ du font d'onde provenant d'une source ponctuelle (étoile non résolue, l'onde serait plane en l'absence d'atmosphère) est décomposée sur la base des modes de Zernike, fournissant ainsi un jeu de coefficients $a_j=<\phi,Z_j>$ aléatoires. La décomposition est cependant infinie, et comme d'habitude dans le cas de séries, on ne calcule qu'un nombre fini de coefficients. La correction est alors partielle, elle se fait jusqu'à un ordre $N$ dépendant du système d'optique adaptative utilisé. Après correction, l'onde possède une phase résiduelle
\begin{displaymath}\phi_N(\vec r)=\phi(\vec r)-\sum_{j=1}^N a_j Z_j(\vec r)\end{displaymath}


Ce sont les propriétés de la phase résiduelle que nous vous proposons d'étudier dans cette partie du problème.

Dans toute la suite de ce paragraphe, on considère un système optique composé d'une lentille mince convergente de rayon $a=1$, éclairée par une onde d'amplitude $A \exp ik \phi(x,y)$. On définit l'erreur moyenne des fluctuations de la phase de l'onde par leur écart-type $\sigma$, défini par le rapport (les intégrales sont prises sur un domaine correspondant à l'aire de la lentille)

\begin{displaymath}\sigma^2=\frac{\int\!\!\!\int [\phi(\vec r)-\bar\phi]^2\; d^2r }{\pi}\end{displaymath}


où $\bar \phi$ est la phase moyenne sur la lentille :

\begin{displaymath}\bar\phi=\int\!\!\!\int \phi(\vec r)\; d^2r\end{displaymath}
  1. Un exemple simple pour commencer. L'onde incidente a une phase $\phi(r)=1+\epsilon r^3$, le terme en $\epsilon r^3$ est à comprendre comme un écart à l'onde plane (un défaut). Calculer les 3 premiers termes non nuls du développement de Zernike, et en déduire $\sigma$ dans les cas suivants
    1. phase non corrigée
    2. phase corrigée du premier terme non nul
    3. phase corrigée des deux premiers termes non nuls
    4. phase corrigée des trois premiers termes non nuls
    Dans chaque cas, tracer le graphe de la phase, et discuter le gain apporté par la correction partielle. On considère généralement un front d'onde comme ``quasi-plan'' (c'est à dire donnant une image de diffraction acceptable au foyer de la lentille) si l'écart-type des fluctuations est inférieur à $\pi/4$ radians. Quelle est alors la valeur maximale de $\epsilon$ et de $\epsilon^{1/3}$ qui donne une erreur inférieure à $\pi/4$ dans chacun des cas précédents. A votre avis, que représente la variable $\epsilon^{1/3}$ ?
  2. Mêmes questions si la phase incidente s'écrit $\phi(x,y)=1+\epsilon \cos (2 \pi x/l)$ (cas d'une onde plane ayant subi une réflexion sur un plan d'eau agité de vaguelettes). Réfléchissez sur la pertinence de la décomposition de Zernike dans ce cas ; proposez éventuellement une base plus adaptée pour développer $\phi(x,y)$.
  3. Soit $\phi_N(\vec r)$ la phase d'une onde corrigée des $N$ premiers modes de Zernike, et $\sigma_N$ l'écart-type de ses fluctuations sur l'aire de la lentille. Montrer que
  4. \begin{displaymath}\sigma_N=\mbox{Cte}\; \sum_{j=N+1}^\infty a_j^2\end{displaymath}


    et déterminez la constante.

  5. Dans le cas d'une phase aléatoire, comme celle introduite par la turbulence atmosphérique, les $a_j$ sont aléatoires, et l'on raisonne généralement sur l'écart-type moyen (moyenné dans le temps) des fluctuations de phase :

  6.  

     

    \begin{displaymath}\bar \sigma_N=\mbox{Cte}\; \sum_{j=N+1}^\infty <a_j^2>\end{displaymath}

    Pour l'atmosphère terrestre, $\bar \sigma_N$ est donné par (Modèle de Fried, 1966)

    \begin{displaymath}\bar \sigma_N=0.2944 \left(\frac{2a}{r_0}\right)^{5/3} N^{-\sqrt{3}/2}\end{displaymath}


    où $a$ est le diamètre de l'optique utilisée et $r_0$ le paramètre dit de Fried qui caractérise l'état de l'atmosphère ($r_0$ est le diamètre d'un télescope en dessous duquel les fluctuations atmosphériques sont insensibles). En supposant $r_0=10$ cm, Calculer le nombre $N$ de modes à corriger pour obternir un défaut de phase inférieur à $\pi/4$ dans les cas suivants: (i) $2a$=10 cm, (ii) $2a$=1 m, (iii) $2a$=8 m. Sachant qu'on arrive actuellement à corriger environ 300 modes, quel est le diamètre $2a$ maximal utilisable ?