© H. Broch, Laboratoire de Zététique, mars 2003
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La méta-analyse en parapsychologie ? ...


Henri BROCH
Université de Nice-Sophia Antipolis





"La méta-analyse", "la méta-analyse", "la méta-analyse". C'est le cri du coeur actuel des parapsychologues qui depuis de longues décennies se désespèrent de ne pouvoir offrir la plus petite preuve en faveur de pouvoirs-psi de quelque type que ce soit.

- Exit les résultats époustouflants d'un J.B. Rhine (présenté - sans rire - comme "le père de la parapsychologie scientifique") obtenus à partir d'un tri intellectuellement malhonnête des données et/ou d'une utilisation de cartes de Zener tellement mal faites que même un débutant refuserait de travailler avec !
Après plusieurs achats au cours des années, j'ai encore acheté en octobre 2000 des cartes de Zener (cinq symboles : carré, rond, croix, étoile, vague) à "l'Institut de Rhine". Incroyable mais vrai : elles sont toujours très mal faites après plus de 60 années de fignolage par les savants parapsychologues !
Et elles ont encore un dos non symétrique !! On peut ainsi très facilement reconnaître des cartes de dos et faire allègrement grimper les statistiques sans le plus petit pouvoir-psi. Et après cela, d'aucuns tresseront toujours une auréole de scientificité aux expériences de J.B. Rhine et de ses successeurs Sans commentaire.

- Exit les résultats extraordinaires d'un S.G. Soal ("le plus grand parapsychologue anglais") dont les travaux sur la perception extra-sensorielle faisant autorité dans le monde entier ont été en réalité obtenus à partir d'un lamentable tripatouillage des données cibles par cet éminent charlatan.

- Exit les résultats d'un W. Levy (Directeur de "l'Institut de Parapsychologie" le plus célèbre du monde) pris en flagant délit de fraude.

- Exit les résultats claironnés de grandioses expériences de sensiblité de l'homme aux infimes gradients de champ magnétique dont le ridicule du protocole déridera encore longtemps ceux qui s'y sont vraiment intéressés.

- Exit les résultats d'expériences comiques d'un pseudo-professeur travaillant dans un pseudo-laboratoire ; exit les résultats largement claironnés dans les médias mais jamais publiés dans des revues sérieuses, etc.

La "méta-analyse", voilà le nouveau credo.

En analysant, avec un peu de recul, avec un peu de "hauteur", les données de plusieurs expériences sur les pouvoirs-psi (et, notez-le bien, aussi ahurissant que cela paraisse méthodologiquement parlant : pas forcément sur le même type d'expériences !) des parapsychologues clament qu'ils ont fait la preuve de l'existence desdits pouvoirs.
Leur argumentation est la suivante : il est impossible que, par pur hasard, l'on obtienne autant d'expériences positives en faveur du psi et l'argument des sceptiques disant que "de nombreuses expériences ayant donné des résultats négatifs n'ont, elles, pas été publiées" n'est pas recevable car la méta-analyse permet de démontrer - dixerunt toujours les parapsychologues - que ces expériences négatives devraient être en nombre très très important, ce qui ne peut objectivement être le cas.


Avant de se lancer dans de savants - et forts longs ! - calculs de statistiques pour vérifier une affirmation ou une autre, il est bon de réfléchir quelques instants et de faire travailler nos neurones.

Les parapsychologues se livrant à la méta-analyse posent la question ainsi :
"Quel est le nombre N d'expériences non publiées, donnant une valeur moyenne m, qui devraient exister pour que les n expériences réussies publiées et représentant un écart significatif à cette moyenne m (et prises comme preuves de la validité de pouvoirs-psi) soient dues uniquement au hasard avec une bonne probabilité ?"

Après de savants calculs qui en jettent plein la vue au public ébahi et aux parapsychologues provinciaux, ils en arrivent à la conclusion suivante : ce nombre N serait littéralement immense et donc cela démontre qu'un tel nombre d'expériences non publiées n'est pas réaliste et n'existe donc pas.
Re-conclusion : les pouvoirs-psi sont également démontrés par la méta-analyse des données disponibles, méta-analyse qui montre que ces résultats ne peuvent pas être dus au hasard.


Ce n'est pas de la méta-analyse, c'est plutôt... de la pata-analyse ! (En hommage à Alfred Jarry et sa pataphysique.)

Pour que le raisonnement soit correct, il faut procéder différemment.

Il ne faut
pas chercher le "nombre N d'expériences non publiées, de moyenne m, qui devraient exister" car cela reviendrait ipso facto à dire, avant tout calcul et toute interprétation du résultat de ce calcul, que les n résultats positifs publiés que l'on veut tester sont déjà hors de la population que l'on étudie et donc déjà "hors-normes", déjà "extraordinaires" !

En effet, cela signifierait que sans les prendre en compte le résultat moyen est m.

C'est une grave erreur de raisonnement, un véritable Effet cerceau dans lequel on impose ainsi tout simplement au départ ce que l'on entend démontrer.

En effet, si l'on veut tester si les n résultats positifs publiés sont des résultats obtenus par hasard au sein d'une population donnée, il faut bien évidemment (je dis bien "il faut" ; cela est une obligation et non un simple souhait ou une simple possibilité) que ce soit la moyenne de cette population totale qui soit égale à m et non le seul sous-ensemble des résultats non publiés.
Il faut que, lorsque l'on regroupe toutes les expériences (c'est-à-dire N expériences non publiées + n expériences réussies publiées), l'on obtienne alors - et alors seulement - une moyenne de valeur m.

En d'autres termes, le nombre N d'expériences que l'on cherche ne doit concerner que des expériences dont le résultat est une valeur inférieure à la moyenne m !
(Du "psi-missing" - pour reprendre la ridicule position de repli de parapsychologues en déroute - en quelque sorte !)
Et dans ce cas-là, le nombre N recherché est évidemment beaucoup plus restreint et l'existence d'un tel nombre d'expériences négatives deviendra ainsi beaucoup plus probable !

Il semblerait que les grands méta-analystes parapsychologues de service aient oublié ce très léger détail.
Et tant qu'ils n'auront pas mené leurs chères études méta-analytiques de cette seule correcte façon - ce qui n'est, pour l'instant,
pas le cas - il est tout à fait inutile de discuter ne serait-ce que d'un iota de leurs résultats.



Références
- Henri Broch, "Le Paranormal", collection Points-Sciences, Seuil, Paris 2001
- Henri Broch, "Au Coeur de l'Extra - Ordinaire", nouvelle édition Book-e-book.com, 2002
Cf. la partie consacrée à la Parapsychologie (cliquez ici pour une table des matières complète) dans cet ouvrage

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 © H. Broch, Laboratoire de Zététique, mars 2003
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