© J. L. Theodor, Laboratoire de Zététique, juin 2004....................www.unice.fr/zetetique

 

Lettre Ouverte

Réponse au « communiqué » des Laboratoires Boiron

Dr. Jacques THEODOR
Ancien chercheur du CNRS
(Immunologie comparée)

 

Le public a eu droit le 24 mai 2004 à un assaut publicitaire majeur des Laboratoires Homéopathiques Boiron (LHB) ; avec notamment une page complète dans le Figaro (cf. ci-dessous)

Il nous est impossible de rester indifférents ou muets à la lecture de plusieurs de leurs affirmations qui se révèlent être soit des contre-vérités, soit des interprétations abusives.
Les textes « Boiron » sont repris en caractères
italiques rouges :

« L'Homéopathie est utile »
« sur le plan médical, elle représente une alternative intéressante, car efficace, même dans certaines maladies graves, et sans effet secondaire ; »

Nous sommes déjà dans le vif du sujet.
Les LHB ont le front de déclarer « l'homéopathie (...) efficace, même dans certaines maladies graves ». Or il convient de dire de la manière la plus forte et la plus solennelle que l'homéopathie ne peut en aucun cas guérir une quelconque maladie grave (ou même bénigne). Même si, par effet placebo, c'est-à-dire uniquement psychologique, le patient peut se sentir mieux.

En effet, à 1 CH une goutte du médicament d'origine est diluée dans 99 gouttes d'eau (l'ensemble donnant un volume de 5 ml). Les dilutions successives s'effectuent toujours selon un facteur cent.
Dès lors, à 4 CH le médicament homéopathique d'origine aura été dilué dans la proportion d'une goutte pour cinq mètres cubes d'eau (= 5.000 litres ou une vingtaine de baignoires). Le bon sens paysan le plus élémentaire nous fait dire que le produit homéopathique ainsi dilué à 4 CH n'a plus aucun des attributs d'un médicament contenant un principe actif. Même un tube entier pris en une fois n'est pas susceptible de provoquer le moindre effet pharmacologique, bénéfique ou maléfique chez un patient.
Soulignons que le médicament homéopathique moyen n'est ni identifiable ni même décelable aux dilutions de 6 CH ou supérieures. Il est donc impossible de vérifier a posteriori si un quelconque médicament a jamais été incorporé dans le processus de fabrication (dilution). C'est le cas de l' incontrôlable « Homéogrippe » qui a six composants, tous dilués à 6 CH.

A 9 CH qui représente à peu près 50 % des dosages préconisés, la dilution correspond à une goutte du médicament dans un volume d'eau équivalent aux deux tiers du lac de Genève. Lorsqu'il guérira, le malade ne devrait donc attribuer sa guérison qu'au fait que sa maladie a pris fin d'elle-même.

Dire, comme les LHB que l'homéopathie pourrait être efficace (sous-entendu autrement que par son effet placebo) même dans le cas de maladies graves, est une inquiétante imposture médicale. Un qualificatif qui ne souffre pas la moindre contestation et qui met les LHB devant de conséquentes responsabilités.


Mais voyons plus loin :
« sur le plan scientifique, par ses deux fondements, la similitude et l'infinitésimal, l'Homéopathie est une source importante de progrès pour la Médecine comme pour la Science Fondamentale ; »

Une fois de plus on croit rêver. En effet, la recherche en homéopathie est une voie sans issue, un cul-de-sac scientifique. Comment pourrait-on expérimenter sur une classe de médicaments que la dilution a fait disparaître, qui n'existent donc plus et ne peuvent dès lors avoir aucun effet pharmacologique ?
Autre source de questionnement : il a toujours été entendu dans toute la littérature homéopathique depuis deux siècles que cette médecine reposait sur trois « piliers » : 1° la similitude, 2° la dilution infinitésimale, indissociable de la succussion 3° l'individualisation du traitement. La succussion ou action de secouer la dilution « dynamiserait » celle-ci ; ce qui lui permettrait par un processus miraculeux de récupérer les effets perdus par les dilutions ; mais uniquement les effets bénéfiques.
Pourquoi les LHB escamotent-ils un (l'individualisation du traitement) des trois piliers historiques de la médecine homéopathique ?
Sans aucun doute pour pouvoir commercialiser plus facilement des produits non-individualisés (comme l'Homéogrippe ) « ciblés » contre... une pathologie spécifique.

Sur le plan de la science fondamentale, la théorie homéopathique de la similitude et celle de l'infinitésimal - que l'on devrait plutôt appeler conjectures - contreviennent à tant de lois, de théories scientifiquement établies et confortées par des millions d'expérimentations, que l'on voit mal sur la base de quoi les LHB pourraient bien expérimenter sérieusement.


Mais encore :
« sur le plan économique : le prix très bas des médicaments homéopathiques et leur absence d'effets indésirables font de l'homéopathie un atout maître pour l'assurance maladie ; »

Il est exact que le prix du médicament homéopathique de 1,80 euro pour 88 granules soit 4 grammes de sucre, ne représente pas beaucoup d'argent pour le patient, mais cela met néanmoins le prix du sucre quasi pur à 450 euros le kilogramme. Vendre du sucre à ce prix permet aux LHB de prospérer au-delà de toute attente. Il s'agit bien ici d'un enrichissement sans la moindre cause. Si les firmes pharmaceutiques orthodoxes ont des frais de recherche et de développement énormes, les firmes homéopathiques ne peuvent en avoir et de ce fait se réservent des marges bénéficiaires démesurées.
Ceci dit, dépenser ne serait-ce que 1,80 euro pour un produit qui ne pourrait servir qu'à ­ chèrement - sucrer son café est une absurdité économique.

« Effets indésirables » : ici, on est forcé de reconnaître que les LHB paraissent avoir raison. Il est exact que le médicament homéopathique n'a pas d'effet pharmacologique indésirable (ni même désirable !), puisqu'il ne contient que du sucre. Par contre l'utilisation du médicament homéopathique peut être dramatiquement néfaste par omission d'un traitement scientifiquement éprouvé et efficace ; ou plus grave encore, par le remplacement d'un tel traitement au bénéfice de l'homéopathie. Ce qui arrive plus souvent qu'on ne le pense.

Enfin parler du « rayonnement de la France » à propos de l'homéopathie manque singulièrement de sens du ridicule. En effet, le docteur Jacques Benveniste de l'INSERM a obtenu par deux fois (1991 et 1998) un « prix Ignoble » (IgNobel Prize in chemistry ), décerné par cinq authentiques lauréats Nobel pour sa « découverte persistante que l'eau est un liquide intelligent () et qu'elle est capable de se rappeler des événements longtemps après que toute trace de ces événements ait disparu » (sic); autrement dit pour sa révélation de la mémoire homéopathique de l'eau.
Concernant les lauréats du prix IgNobel, visitez le site www.improbable.com. (Ignatius Nobel est un personnage imaginaire inventé par dérision ; Ignoble et IgNobel, se prononçant en anglais de la même manière, font partie d'un jeu de mots).

Pour plus d'information concernant la validité de l'homéopathie, cf. mon article introductif La validité scientifique de l'homeopathie en question sur le présent site.

Concernant les médecines pseudo-scientifiques, visitez le site pseudo-medecines.org de Jean Brissonnet auteur d'un livre intitulé précisément « Les pseudo-médecines. Un serment d'hypocrites » avec un important chapitre sur l'homéopathie.

Egalement le très vaste site animé par une brochette de médecins et de scientifiques www.quackwatch.org (en anglais mais qui a une version en français, moins étoffée) qui traite notamment de l'homéopathie (voir «questionable products, services and theories» => homeopathy, the ultimate fake) et qui n'hésite pas à en dire :
les médicaments homéopathiques « sont la seule catégorie de produits charlatanesques légalement commercialisés comme médicaments ».

Dr. Jacques Léon Theodor

© J. L. Theodor, Laboratoire de Zététique, juin 2004....................www.unice.fr/zetetique