© H. Broch, JDD 1998/2001
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"Le Journal du Dimanche" N° 2698, 13 septembre 1998
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- Expliquez-nous -

L'astrologie

JAMAIS les horoscopes n'ont eu un tel succès qu'aujourd'hui. Selon un sondage de la Sofres, nous serions 90% à connaître notre signe astrologique et 50% à y croire. Les promesses d'une rencontre amoureuse, d'un succès professionnel ou d'un gain d'argent grâce à l'influence de Vénus, de Mars ou de Jupiter nous fascinent ou nous amusent. Née des observations des premiers astronomes dans la Babylone antique, au IIe millénaire avant notre ère, l'astrologie s'appuie sur des siècles de pratique pour affirmer l'authenticité de ses propos. Pour elle, notre destinée est guidée dès notre naissance par la position des astres dans la sphère céleste. Pourtant, aujourd'hui, astrologie et astronomie ne font plus bon ménage. Les progrès de la science, en particulier dans le domaine de l'astrophysique, ont démontré l'inexactitude de ses théories. La physique a ainsi clairement établi que les planètes exercent moins d'influence sur l'homme que les objets de sa vie quotidienne. Et que l'axe de la Terre tournant sur lui-même - selon un mécanisme aujourd'hui connu - tous les signes du zodiaque se sont décalés au fil des siècles. Au point que les natifs des Béliers sont en fait des... Poissons ! Ces erreurs, nombreuses, ne permettent plus à l'astrologie de revendiquer sa place parmi les sciences. Elle est une croyance, voire une superstition. Tour d'horizon de ses petites et grandes incohérences.


Avec le professeur Henri Broch, docteur ès Sciences,
professeur de physique à l'universite de Nice-Sophia Antipolis,
responsable du Laboratoire d'étude des phénomènes paranormaux

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Interview
Anna Seyssel

 

- Anna SEYSSEL : Depuis quand les hommes ont-il levé les yeux vers les étoiles pour y lire leur avenir ?

- Henri BROCH : L'astrologie, telle que nous la connaissons, est née chez les Chaldéens, en Mésopotamie, au IIe millénaire avant notre ère. Les premiers astrologues étaient des prêtres. Ils pratiquaient un art divinatoire réservé à une élite et ne s'intéressaient pas aux destins individuels : seuls celui de l'empire ou de l'empereur pouvaient se lire dans les étoiles. C'étaient, en fait, d'excellents astronomes. Ils s'étaient rendu compte que certains points lumineux situés dans la voûte céleste c'est-à-dire dans la partie visible du ciel au-dessus de nos têtes, se déplacent différemment des autres : ce sont les "astres errants", les planètes. Ils ont par ailleurs regroupé des étoiles bien visibles en constellations. Ils ont attribué un signe à chacune d'entre elles et ont ainsi défini le zodiaque, c'est-à-dire la zone de la sphère céleste dans laquelle se déplacent les planètes. Ce n'est que beaucoup plus tard, vers 350 avant notre ère, que l'astrologie individuelle a fait son apparition. Elle a été codifiée en 130 de notre ère : l'astronome grec Claude Ptolémée est l'un des premiers à avoir donné des attributs aux signes, comme la force ou le courage.

 

- Les astrologues sont-ils toujours d'excellents astronomes ?

- Plus du tout. La séparation s'est opérée peu à peu au cours de l'histoire, au rythme de la progression des connaissances scientifiques. La rupture a été consommée en 1666 lorsque Colbert, alors ministre de Louis XIV, a définitivement exclu l'astrologie de l'Académie des Sciences.

 

- Pourtant, d'éminents savants comme Johannes Kepler ou Isaac Newton, au XVIIe siècle, l'ont longuement pratiquée ?

- Le fait d'être un scientifique ne vous immunise pas contre la croyance. De plus, beaucoup d'astronomes pratiquaient l'astrologie comme un loisir ou comme un moyen de trouver des fonds pour continuer leurs recherches. Et n'oublions pas que la science a fait des progrès considérables depuis cette époque.

 

- Quelles sont les erreurs scientifiques de l'astrologie ?

- Un oubli ahurissant tout d'abord. Les signes du zodiaque sont actuellement au nombre de douze. Or, le Soleil, dans son mouvement apparent autour de la Terre, traverse en un an... treize constellations ! Celle qui a été oubliée par les astrologues est le Serpentaire, qui a pourtant été décrite dès le IVe siècle avant notre ère. Le Soleil y reste trois fois plus longtemps que dans la constellation adjacente du Scorpion. Autrement dit, il existe grosso modo trois fois plus de personnes nées sous le signe du Serpentaire que sous celui du Scorpion ! De même, tous les signes durent environ un mois. Or, le Soleil met en réalité huit fois plus de temps pour parcourir la très grande constellation de la Vierge que pour traverser celle du Scorpion. Il faudrait donc que les signes soient de durées inégales.

  Quel que soit l'endroit où l'on naît, tout le monde est crédité d'un signe erroné car tout le zodiaque est décalé.

  (portrait de Henri Broch)

  Un oubli ahurissant. Les signes du zodiaque sont actuellement au nombre de 12. Or, le Soleil, dans son mouvement apparent autour de la Terre, traverse en un an... 13 constellations !

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- Certains astrologues affirment que les signes symbolisent l'évolution des saisons et ne sont donc pas liés aux constellations.

- C'est historiquement faux : les Chaldéens ont clairement relié les signes aux constellations. Mais il est vrai que les saisons ont joué un rôle. On s'aperçoit que l'astrologie a été créée par - et pour - une civilisation de la zone tempérée de l'hémisphère nord. Ainsi, le Lion est un signe solaire car le mois d'août marque le plein été sous nos latitudes. Mais il est plus dur de le faire admettre à un Australien pour qui ce mois est au coeur de l'hiver ! De même, un Verseau malgache a du mal à comprendre pourquoi il est natif d'un signe d'eau alors que le mois de février marque chez lui le plein été... De plus, certaines zones ont été oubliées : il est impossible d'établir le thème astral complet d'une personne née au nord du cercle polaire. Car certains calculs ne sont pas réalisables sous ces latitudes. Des milliers de Canadiens, de Groenlandais, de Norvégiens, de Suédois, de Finlandais, de Russes, de Sibériens et d'Alaskiens sont ainsi privés d'horoscope. De toutes façons, quel que soit l'endroit où l'on naît, tout le monde est crédité d'un signe erroné car tout le zodiaque est décalé.

 

- Vous voulez dire que les signes ne sont plus en face des bonnes constellations ?

- Les signes se sont décalés à cause d'un phénomène physique appelé la "précession des équinoxes". Sous l'effet des forces d'attraction du Soleil et de la Lune, l'axe de rotation de la Terre pivote lentement sur lui-même, comme une toupie. Il fait un tour complet en 26.000 ans. Résultat : le point "fixe" Gamma, qui marque le départ du zodiaque et pointait en direction de la constellation du Bélier à l'époque des Chaldéens, s'est décalé de plusieurs dizaines de degrés. Il pointe aujourd'hui la constellation des Poissons. Ainsi, si un Egyptien de l'Antiquité, venu au monde un 8 mai, était bien natif des Gémeaux, un Egyptien qui naît aujourd'hui ce même jour est en fait un... Bélier. Seuls quelques astrologues essayent de tenir compte de ce décalage.

 

- Les planètes peuvent-elles exercer une influence sur nous, comme la Lune sur les marées ?

- Tout d'abord, le fait que la Lune agisse sur les marées n'implique en aucun cas que les astres puissent agir de manière individualisée sur notre vie: la physique du globe n'est pas la physique de l'individu. De toutes façons, les lois physiques sont claires : la Lune exerce sur la Terre une force marémotrice, due à la gravitation, c'est-à-dire à la propriété qu'ont les corps de s'attirer entre eux. Or, cette force - que nous disons "gravitationnelle différentielle" - est inversement proportionnelle au cube de la distance, et non au carré comme la simple gravitation. Autrement dit, plus on s'éloigne, moins elle agit. Dès lors, il est très facile de démontrer qu'un ours en peluche posé dans le berceau d'un nouveau-né exerce sur lui une force marémotrice 20.000 fois plus grande que celle de la Lune. Et que la mère du nourrisson, lorsqu'elle le tient dans ses bras, exerce une force 10 millions de fois supérieure. L'influence de planètes, beaucoup plus lointaines que la Lune est donc négligeable.

 

- Peut-il exister une force d'une autre nature ?

- L'influence pourrait être électro-magnétique. Dans ces conditions, il faudrait que le bébé soit chargé électriquement, ce qui n'est pas le cas. Je ne vois donc pas de quelle nature pourrait être ce "fluide astrologique". De plus, si un tel fluide existait, il faudrait que les astrologues calculent son temps de transfert jusqu'à la Terre selon l'éloignement des planètes considérées. En admettant qu'il aille à la vitesse de la lumière (300.000 kilomètres/seconde), il faudrait calculer, par exemple, la position de Saturne plus d'une heure avant la naissance. On peut d'ailleurs se demander pourquoi cette influence agirait au moment de la naissance et non pas au moment de la conception ou lorsque le cerveau de l'enfant est définitivement formé, vers l'âge de deux ans !

 

- Et si l'influence des planètes était indépendante de la distance ?

- Dans ce cas, bon courage ! II faudrait, dès lors, que les astrologues tiennent compte de l'ensemble des planètes : il en existe plus de 5.000, rien que dans notre système solaire. Sans compter leurs satellites dont certains dépassent les 1.000 km de diamètre. C'est une mission impossible. D'autant que certains astrologues ne tiennent même pas compte des dernières découvertes, comme celle de la planète Pluton, en 1930, ou de Charon en 1978. Ceux qui en tiennent compte sont d'ailleurs tout autant dans l'embarras en raison de la "période" de ces planètes, c'est-à-dire du temps qu'elles mettent pour tourner autour du Soleil: celle de Pluton, par exemple, est de 248 ans. Depuis soixante ans que nous connaissons cette planète, elle n'a effectué qu'un quart de sa rotation et parcouru uniquement trois signes zodiacaux. Dans ces conditions, comment les astrologues peuvent-ils prétendre connaître son influence sur tous les autres signes ?

 

- Pour vous, l'astrologie ne peut donc pas prétendre au statut de science ?

- Elle n'en a aucun des critères. Elle ne se remet pas en cause en fonction des progrès scientifiques et elle n'est pas universelle, puisqu'il existe des astrologies indiennes, aztèques ou chinoises. Alors qu'il n'existe pas une physique des particules chinoise ou européenne. Pour être considérée comme une science, il faudrait que les conclusions de l'astrologie soient acceptées par tout être humain capable de raisonner et de comprendre sa démarche. Ce n'est pas le cas. L'astrologie appartient au domaine des croyances. Voire de la crédulite pour ceux qui la subissent.


© H. Broch, JDD 1998/2001
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Pour plus de détails sur la détermination d'un véritable signe zodiacal de naissance,
reportez-vous à l'article "Astronomic Zodiac"---> 
Astronomic Zodiac

Pour une information vraiment complète et précise sur la valeur des bases même de l'astrologie,
reportez-vous au livre "Au Coeur de l'Extra - Ordinaire" de Henri Broch ---> Au coeur de l'Astrologie