© H. Broch, Laboratoire de Zététique, 2001
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De Théodosia à Trans-en-Provence...

(Sarcophage d'Arles-sur-Tech, article III)


Pr. Henri BROCH
Université de Nice-Sophia Antipolis


Le monument de Trans-en-Provence

Le "monument" de Trans-en-Provence le plus connu est sans conteste le
puits aérien de Monsieur Knapen et il trouve sa place dans la présente documentation zététique en liaison avec le sarcophage d'Arles-sur-Tech pour lequel certaines personnes ont cru tenir l'explication de la "production" d'eau (à l'intérieur de la "Sainte Tombe") en faisant appel au phénomène de condensation.

Le puits aérien de Trans-en-Provence correspondant à un véritable essai grandeur nature de récupération de l'humidité atmosphérique pour obtenir de l'eau, il m'a paru intéressant de rappeler quelques données.


Photo Henri Broch. reproduction interdite

Ce puits aérien (conçu en 1928, réalisation terminée en 1931) est dû à Achille Knapen, ingénieur belge, lauréat de la Société des Ingénieurs Civils de France. Bien que fort imposant (12 m de diamètre à la base, près de 13 m de haut, paroi de 2,5 m d'épaisseur percée d'orifices permettant la circulation de l'air, 3000 plaques d'ardoise pour augmenter la surface de condensation), cet édifice ne put jamais concrétiser les espoirs de son créateur. Ce dernier espérait en effet une production de 30 à 40 m3 (30.000 à 40.000 litres) par jour et le puits aérien ne put fournir, les meilleures nuits, que... quelques litres d'eau (5 à 10 litres).



L'essai de Montpellier

Sans trop s'étendre sur le sujet, on peut citer également un autre essai de récupération de l'humidité atmosphérique. Conçu en 1929 par Léon Chaptal, directeur de la station de bioclimatologie agricole de Montpellier, le récupérateur consistait en une pyramide de pierres calcaires d'environ 13 m3 érigée sur une plateforme bétonnée. Ce condenseur fonctionna effectivement mais la quantité moyenne d'eau recueillie par jour oscilla entre... 0,2 litre et 0,5 litre.



La cité antique de Théodosia et l'essai moderne

A la base (la source) de ces essais, on trouve le "fait" qui est souvent revendiqué comme la preuve de la possibilité effective de tels systèmes: la ville de Théodosia en Crimée était, quatre siècles avant notre ère, alimentée en eau par des capteurs d'humidité constitués de (13 ?) gros monticules de pierres.

En effet, à la fin du 19ème siècle, F. Zibold, ingénieur chargé des travaux d'adduction d'eau à Théodosia, avait découvert sur les collines environnantes de gigantesques cônes de pierres à côté des canalisations d'alimentation en eau de la ville et s'était convaincu que ces pyramides étaient des condenseurs d'humidité pouvant chacun - selon le résultat de ses calculs - fournir quotidiennement 55 400 litres d'eau potable à la cité antique.
Ce qui n'était qu'une hypothèse (non vérifiée par Zibold lui-même puisque la tentative de réplication à échelle réelle qu'il démarra en 1905 - deux mille tonnes de galets entassés en cône tronqué de 20 mètres de diamètre à la base, 8 mètres de diamètre au sommet et de 6 m de haut - ne donna apparemment pas les résultats espérés) devint vite un article de foi.



La solution du mystère de Théodosia

Très succinctement, que peut-on en dire ?

Pierre Descroix a montré, il y a déjà plusieurs décennies (cf. réf.), que les chiffres annoncés par Zibold pour l'alimentation en eau de Théodosia via les treize "pyramides-condenseurs" ne tenaient pas la route et que les quantités (d'eau de condensation) alléguées provoqueraient en fait pour chaque pyramide de pierres une élévation de température de... 99° C ! Ce qui, on le voit, enlève toute crédibilité au système.

Et tout récemment, en 1993 et 1994, deux expéditions destinées à éclaircir le mystère des puits aériens de Théodosia ont fini de lever le voile. Comme l'a rapporté Daniel Beysens, directeur de la mission à Féodosia (Théodosia), les fouilles ont montré que les canalisations (qui sont en fait médiévales ou modernes) du réseau d'alimentation en eau de la ville se sont développées aux abords des pyramides "de façon totalement indépendante" et que les fameuses pyramides-condenseurs qui cernent Théodosia sont en réalité... des kourganes, des tombes scythes ou grecques !



Moralité...

Si l'humidité de l'air est certes récupérable par des condenseurs, le produit optimal ou tout au moins efficace pour cela est loin de la forme des essais de Théodosia, Trans ou Montpellier.

Et, n'en déplaise aux parapsychologues de toutes origines amateurs de la théorie de la condensation comme source unique d'approvisionnement en eau du sarcophage d'Arles-sur-Tech (puisqu'ils rejettent - vade retro... - l'eau de pluie qui doit faire - à leurs yeux - trop commun, trop simple...), cette Sainte Tombe avec ces 0,6 m3 de volume "externe" n'est pas près de prendre la relève comme puits aérien idéal et d'offrir, par la seule condensation, des "centaines de litres par an".

Pr. Henri Broch

Références:
- P. Descroix (1951) "La récupération de l'humidité atmosphérique", L'eau, août, p. 127-129
(Pierre Descroix précise dans son article : "Des considérations de rendement permettent d'affirmer que le débit théorique maximum ne devait pas dépasser 5% du chiffre mis en avant par Zibold, ...")
- D. Beysens avec la collaboration de A. Gioda, E. Katiouchine, I. Milimouk, J.-P. Morel, V. Nikolayev (1996), "Les puits de rosée, un rêve remis à flot", La Recherche, mai.

Pour lire les autres articles sur le mystérieux sarcophage d'Arles-sur Tech :

Sarcophage d'Arles-sur Tech, article N° I : Henri BROCH, "Le mystère du sarcophage d'Arles-sur-Tech ou L'eau culte"

Sarcophage d'Arles-sur Tech, article N° II : Henri BROCH, "Des allégations de parapsyphiles concernant le mystère de la sainte Tombe"

Sarcophage d'Arles-sur-Tech, article N° IV (format pdf) : Henri BROCH, "Sainte Tombe : origine de l'eau céleste confirmée"

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 © H. Broch, Laboratoire de Zététique, 2001
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